Quand Katy Perry largue l’Amour en orbite

1. Bienvenue au zoo galactique

Le printemps, c’est le retour des bourgeons, des allergies au pollen… et des starlettes à neurones basse consommation qui refont surface après un aller-retour dans l’espace payé à la sueur de nos factures d’électricité. Bienvenue dans le zoo galactique, où l’on ne compte plus les espèces d’oiseaux rares dopés au Botox et aux bonnes intentions marketing.

Voici la « bécasse inspirante ». Elle vole haut, très haut, souvent grâce à Jeff Bezos et à ses fusées phalloïdes. Elle ne migre pas vers des zones chaudes pour pondre ses œufs, non. Elle migre vers l’espace pour "se reconnecter à l’amour". Oui, tu as bien lu. À l’amour. Pendant que toi, tu cherches un job qui rembourse ton passe Navigo, elle flotte dans un tube de métal en criant "YASSS QUEEN" à 4G de pression.

On nous dit qu’elle est "inspirante". Et pourtant, quand on voit le bilan carbone de son inspiration, même une centrale à charbon aurait honte. Katy Perry a largué plus de CO₂ en onze minutes que toi en quatre générations. Toi, tu baisses le chauffage pour économiser 3 euros, elle, elle crame une station-service volante pour publier un selfie avec la Terre en fond d’écran.

Mais attention, ce n’est pas juste pour le fun, non. C’est pour "envoyer un message". On n’a jamais su lequel, mais apparemment, c’était très puissant. Certainement plus puissant qu’un moteur-fusée, puisque ça a traversé le vide intersidéral de son utilité sociale pour percuter le néant de sa prise de conscience.

En zoologie, la "bécasse inspirante" a un cri très particulier : elle vocalise des mots comme "sororité", "empowerment" ou "vibration énergétique" avec une voix autotunée. Elle vit généralement perchée sur des yachts, ou en apesanteur dans des capsules sponsorisées. Elle s’alimente de jus detox, de hashtags et de retours de flamme médiatiques.

Mais attention, c’est une espèce protégée. Elle est nourrie par des armées de pigeons qui la suivent sur Instagram, qui likent chacune de ses pirouettes galactiques, et qui pensent qu’un vol suborbital est un acte militant.

Pendant ce temps, nous, simples bipèdes terrestres, on se demande s’il nous reste assez de points fidélité pour acheter du beurre.

La prochaine fois que tu te sentiras coupable de ne pas avoir éteint la multiprise avant de sortir, pense à Katy. Elle a envoyé ta consommation énergétique annuelle dans la stratosphère pour dire "Je me sens connectée". Voilà. Tu peux dormir tranquille. Tu es déjà plus écolo que l’intégralité de son inspiration interstellaire.

Toi aussi, tu es une étoile. Tu brilles sans même quitter le sol.

2. Katy Perry a trouvé l’amour… dans l’espace

L’amour. Ce mot universel, pur, simple, que même ton chat comprend quand tu lui grattes le menton. Et puis il y a Katy Perry. Elle, elle le trouve dans l’espace. Littéralement. À 100 kilomètres d’altitude, attachée dans une capsule qui ressemble à une cafetière à expresso géante, elle découvre la quintessence des sentiments humains pendant une expérience d’apesanteur de onze minutes.

Pendant ce temps, toi, tu te tapes une heure de RER B debout, bloqué entre un cadre supérieur qui sent le tabac froid et un adolescent qui écoute Jul sans écouteurs. Toi aussi, tu connais le "super connecté". Sauf que ce n’est pas à l’amour, c’est à la moiteur collective et aux germes en libre-service.

Elle redescend sur Terre, les yeux humides, le cœur ouvert, et balance : "Je me sens super connectée à l’amour". Tu m’étonnes. À 400 000 dollars le speed-dating céleste, tu as intérêt à ressentir un peu plus qu’un chatouillis dans l’âme. On parle de l’équivalent du budget annuel de dix centres d’hébergement d’urgence, cramé en altitude pour une épiphanie digne d’un panneau Instagram.

Et pendant que madame flotte, toi tu rames. Tu cherches un endroit où garer ta bagnole sans vendre un rein, tu fais des choix entre bouffer et te chauffer, et parfois tu te dis que t’aimerais bien aussi te sentir "connecté à l’amour", mais que t’as pas de fusée. Juste un micro-ondes et une connexion Wi-Fi instable.

Ce qui est fou, c’est qu’on te demande à toi de faire des efforts. Moins de viande. Moins de trajets en voiture. Moins d’eau chaude. "Faites attention à votre empreinte carbone", qu’ils disent. Et pendant ce temps, Katy transforme l’atmosphère en barbecue géant avec sa quête spirituelle sponsorisée.

Et le comble ? Elle est revenue "transformée". Tu m’étonnes. Un aller-retour dans la stratosphère, ça te remue plus qu’un stage de développement personnel à l’Auberge de la Forêt. Sauf qu’au lieu de ressortir avec un carnet de notes et un diplôme PowerPoint, elle revient avec une révélation cosmique : "L’amour est partout."

Merci Katy. Grâce à toi, on sait qu’on n’a pas besoin de rester sur Terre pour fuir la vacuité. Il suffit de l’enfiler comme une combinaison spatiale et d’en faire un shooting photo.

Mais bon, on ne va pas être jaloux. Toi aussi, tu peux t’envoler. Ferme les yeux. Respire. Et imagine que ton ticket de métro te mène à l’amour… en évitant les mains aux fesses et les regards vides. Là, c’est déjà une putain d’odyssée.

3. Empouvoirées jusqu’à l’absurde

Il fut un temps où “empouvoirer” une femme, c’était lui permettre d’ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de son mari. Aujourd’hui, ça passe par un vol spatial à six chiffres, une combinaison moulante et une citation de Simone de Beauvoir réadaptée en slogan marketing : “L’apesanteur libère la femme !”

Bienvenue dans le féminisme version Katy Perry : un mélange de paillettes, de propulsion à hydrogène liquide, et de post-Instagram en apesanteur, où le patriarcat est combattu à coups de filtres et de hashtags.

La nouvelle doctrine ? Pour briser le plafond de verre, il faut d’abord traverser la couche d’ozone. Fini les bastons pour les congés maternité ou les salaires égaux. Aujourd’hui, on lutte contre l’injustice sociale en s’envoyant en orbite avec Jeff Bezos comme copilote. À ce rythme-là, il ne manque plus qu’un TikTok chorégraphié dans la capsule pour valider l’acte militant.

Pendant que Katy se démaquille à zéro gravité en criant “Space is for every woman!”, Gisèle, aide-soignante à Nanterre, termine sa troisième nuit consécutive avec un dos ruiné et une prime de 180 balles. Elle, elle n’a pas le temps de “s’empouvoirer”. Elle s’empoisonne au stress et aux produits désinfectants, mais elle garde le sourire. Pas très glamour, mais beaucoup plus courageux.

Et que dire de ces femmes au RSA, sommées de faire leurs courses en vrac, de laver leurs serviettes hygiéniques à la main, et de composter leur culpabilité écologique ? On leur explique qu’elles doivent faire attention à leur “empreinte menstruelle” pendant que Katy explose littéralement la sienne à 3 500 km/h pour poster “Empowered and floating 💫”.

Le message est limpide : si t’as pas les moyens de voyager dans l’espace, t’as qu’à te contenter de ton espace vital réduit, ton compte bancaire dans le rouge, et ton utérus en mode survie. Le féminisme version luxe n’est pas fait pour toi. Il est fait pour celles qui peuvent monétiser leur indignation et sponsoriser leur spiritualité par l’industrie aérospatiale.

Ce n’est plus du féminisme, c’est une opération marketing en orbite. Une capsule dorée pour fuir les vraies luttes, les vraies femmes, et les vraies questions.

Alors oui, bravo Katy. T’as “pris ta place dans l’espace”. T’as même réservé deux sièges : un pour toi, un pour ton ego.

4. Retour sur Terre : Pigeons au sol, Bécasses en vol

Et voilà, la boucle est bouclée. Katy redescend de son petit tour dans l’espace, visiblement transcendée, habitée par l’Amour cosmique et la Révélation galactique. Pendant ce temps, nous autres, simples terriens, on continue de se battre pour finir le mois sans vendre un rein sur Leboncoin.

Mais ce n’est pas grave, hein. Elle l’a fait "pour nous". Pour inspirer. Pour porter la voix des femmes. D’ailleurs, elle l’a dit en revenant : "Je me sens changée." Nous aussi, Katy. Nous aussi, on est changés. Un peu plus pauvres. Un peu plus énervés. Et surtout, un peu plus fatigués de voir les bécasses voler pendant que nous, les pigeons, on ramasse la merde.

Ce grand cirque cosmique a révélé une vérité crue : ceux qui pèsent des millions peuvent polluer, cramer des fusées pour une photo, balancer trois phrases vides de sens, et s’en sortir avec un tonnerre d’applaudissements. Et nous, en bas, on trie nos déchets, on mange moins de viande, et on serre les fesses en espérant que notre chaudière tienne l’hiver.

Elle a voulu envoyer un message ? Le voici reçu, fort et clair : il y a deux espèces humaines. Les volantes et les rampantes. Les bécasses qui s’inspirent, et les pigeons qui s’épuisent. Les cosmiques et les cosmétics. Et entre les deux, un gouffre plus vaste que l’espace lui-même.

Mais on va pas se laisser abattre. On va rire. Rire jaune. Rire noir. Rire intelligent. Parce que notre rire, lui, il pollue pas. Il s’échappe entre deux galères, il glisse entre deux salaires précaires. Il est notre carburant.

Alors Katy, redescends bien. Pose-toi doucement. Mais sache qu’en bas, y’a des gens qui n’ont jamais quitté la Terre, et qui, pourtant, brillent bien plus fort que toi. Des mères seules qui élèvent des mômes avec une dignité de Jedi. Des bénévoles qui bossent sans projecteurs. Des femmes qui "s’empouvoient" sans fusée, juste avec du courage.

Et nous, les pigeons ? On va continuer à picorer, à voler à basse altitude, à esquiver les coups et à balancer des crottes critiques sur vos toits dorés.

Parce que, dans ce monde-là, c’est pas ceux qui montent le plus haut qui voient le plus loin.

Fin du vol.

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