Aimer les bêtes pour fuir les humains

1. L’animal qu’on aime n’existe pas : c’est un fantasme

On n’aime pas vraiment l’animal, on aime ce qu’on croit qu’il nous offre : de l’amour inconditionnel, du silence affectueux, une présence qu’on peut éteindre avec une porte ou un bol de croquettes. L’animal de compagnie, dans 90% des cas, n’est qu’un miroir astiqué de nos manques, notre nombril émotionnel déguisé en boule de poils.

Et ne me lance pas sur les chiens. Ou plutôt si. Le chien, ce fidèle compagnon, toujours content de vous voir… Ça vous flatte l’ego, hein ? Il faut vraiment être mal pour aimer quelqu’un qui vous aime simplement parce que vous avez des doigts préhensiles et un tiroir à saucisses. Si Macron était un chien, vous hésiteriez encore : il remue la queue, certes, mais il mord l’humain derrière. Et là, tout devient confus.

Le chat ? Oh, lui, il vous méprise ouvertement. Et vous l’adorez pour ça. Il vous snobe, vous blesse, ruine vos meubles et votre dignité, mais vous continuez à lui acheter des pâtées bio au saumon sauvage. Par peur de représailles ? Par syndrome de Stockholm ? Par respect pour son indifférence ? La réponse importe peu. Ce que vous ressentez pour votre chat est probablement plus proche du contrat de chantage psychologique que de l’amour pur.

Mais alors… l’amour sincère envers l’animal existerait-il ? Peut-on aimer sans rien attendre en retour ? Certainement. Comme on peut écrire des lettres à Dieu ou offrir des fleurs à une tombe. L’amour sans contrepartie est souvent un exercice d’auto-persuasion spirituelle, un moyen élégant de se croire meilleur qu’on ne l’est. À défaut d’avoir su aimer vos semblables sans juger, vous tombez amoureux d’un cochon d’Inde – et vous appelez ça la rédemption.

L’animal, ce n’est pas un compagnon : c’est un témoin muet de votre solitude soigneusement aménagée. Vous l’aimez, peut-être. Mais vous l’aimez surtout parce qu’il vous regarde comme vous auriez voulu être regardé : sans déception. Il ne vous dit jamais que vous êtes devenu chiant, quarante ans, deux divorces et une passion pour les puzzles en bois plus tard.

Alors, est-ce vraiment l’animal qu’on aime ? Ou juste un remède à l’échec relationnel généralisé de notre espèce ? Si l’animal pouvait parler, vous tiendrait-il encore compagnie ? Ou fuirait-il, lui aussi, à la première phrase ?

2. Pourquoi un poisson rouge peut vous faire pleurer plus qu’un cousin au mariage

C’est fascinant comme la mort de Bubulle, retrouvé flottant un mardi matin dans son bocal trouble, peut déclencher des sanglots dignes d’un opéra. Pourtant, Jean-Michel, votre cousin de province, est tombé d’une moto il y a six mois, et vous n’avez même pas changé votre photo de profil.

Pourquoi cet écart émotionnel ? Parce que Bubulle ne vous a jamais jugé. Il tournait en rond, inlassablement, comme vos pensées à trois heures du matin. Il était là. Muet, mais constant. Transparent, mais présent. Il incarnait la stabilité émotionnelle. Il n’a jamais fait de commentaire déplacé sur votre poids ou votre salaire. Et surtout, il n’a jamais eu besoin d’exister autrement qu’en vous reflétant.

La mort d’un poisson rouge est une tragédie miniature, mais une tragédie quand même. Elle vous renvoie à votre impuissance, votre négligence, à cette nourriture que vous avez peut-être donnée deux fois par jour pour compenser votre propre vide. Elle vous donne l’illusion d’un lien. Un lien fragile, ridicule, mais pur. Le poisson rouge, c’est le symbole d’un amour sans parole, sans drame, sans histoire. Et c’est peut-être ça qui vous touche : pour une fois, une relation sans complication.

Jean-Michel, lui, avait une personnalité. Des opinions. Des dettes. Il a voté pour quelqu’un que vous méprisez, et il mettait du ketchup sur ses pâtes. Sa disparition est un soulagement flou. Bubulle, lui, ne faisait rien. Il n’avait pas besoin d’en faire. Il existait, et c’était suffisant.

C’est donc bien la simplicité de l’animal, sa pureté fonctionnelle, qui nous désarme. Pleurer un poisson rouge, ce n’est pas être ridicule : c’est pleurer ce qu’on ne trouve plus dans nos relations humaines. Le silence. La constance. L’absence de conflit.

Alors oui, vous pouvez pleurer votre poisson rouge. Et vous le devez, même. Car c’était peut-être la seule créature qui vous regardait sans penser une seule fois que vous étiez pathétique.

3. Le top 10 des animaux de compagnie préférés des Français, et ce que ça dit de leur santé mentale

Ah, les statistiques. Ce doux mensonge collectif qui nous révèle sans qu’on le veuille. Voici donc les dix animaux de compagnie préférés des Français, ce peuple sensible, généreux et modérément hypocrite. Et ce que cela implique, bien entendu, sur leur psyché délicatement fissurée.

1. Le chien.
Symbole d’amour inconditionnel et d’obéissance, il est l’animal préféré de ceux qui n’ont jamais vraiment digéré qu’on leur dise non. Le chien vous aime comme vous auriez aimé être aimé enfant : sans nuance, sans distance, même quand vous sentez la sueur et l’échec. L’ami parfait pour qui n’a pas réussi à entretenir une relation humaine depuis 2007.

2. Le chat.
Idéal pour les gens qui veulent de la tendresse, mais surtout pas d’engagement. Le chat est l’animal totem des introvertis snobs, des artistes incompris et des femmes divorcées avec de très beaux rideaux. Il offre l’illusion d’un lien profond tout en vous rappelant qu’il peut partir à tout moment. Une version poilue de l’amour moderne.

3. Le poisson rouge.
Possédé majoritairement par ceux qui ont peur du silence mais pas des aquariums. Le poisson rouge est une solution décorative à la solitude : silencieux, répétitif, et remplaçable. Il meurt discrètement, sans trop déranger. Parfait pour ceux qui n’ont pas encore fait le deuil de leur enfance.

4. Le lapin.
Petite boule d’anxiété qui fait pipi sur vos genoux. Généralement choisi par les gens qui voulaient un chien, mais vivent dans 18m². Le lapin est à la fois doux et fuyant, comme un ex toxique qui mange de la luzerne.

5. Le hamster.
L’animal des enfants qu’on n’écoute jamais et des parents qui n’ont pas lu la notice. Il ne vit pas longtemps, il court la nuit, et il vous fait culpabiliser à sa mort. Un excellent entraînement à la parentalité moderne.

6. L’oiseau.
Choisi par les amateurs de chant... jusqu’à ce qu’il ouvre le bec à 6h du matin. L’oiseau est un paradoxe vivant : on veut qu’il chante, mais on le couvre avec un torchon dès qu’il le fait. C’est le colocataire le plus honnête que vous n’aurez jamais.

7. Le cochon d’Inde.
Possédé uniquement par ceux qui aiment le bruit, les poils et les déchets biologiques. Souvent offert à des enfants, mais ce sont les adultes qui finissent à genoux devant la cage, un dimanche soir, en se demandant où tout a mal tourné.

8. Le reptile (lézard, serpent).
Animal de compagnie préféré des gens qui veulent impressionner, mais pas qu’on les touche. Le reptile est froid, distant, et totalement indépendant : en somme, une projection parfaite de vos blessures relationnelles.

9. Le furet.
Le choix des gens excentriques, voire légèrement instables. Le furet est un concentré de chaos : il sent mauvais, il vole vos objets, et il court comme s’il avait une dette à rembourser. Une métaphore vivante de votre adolescence.

10. Le cheval (oui, oui).
Rêve ultime des âmes romantiques, des filles qui lisaient des romans allemands illustrés dans les années 90. Le cheval n’est pas un animal de compagnie, mais un substitut de passion, de liberté, voire de prince charmant muet. On s’y attache pour échapper à la vie. Ou au moins au métro.

En résumé : votre animal de compagnie révèle votre faiblesse la mieux maquillée. Vous croyez adopter un compagnon. En réalité, vous adoptez un symptôme.

4. Le top 10 des animaux que les Français détestent – et ce n’est jamais leur faute à eux

Détester un animal, c’est comme détester un rêve qui vous a dérangé : ça n’a aucun sens, mais ça vous soulage. Voici donc les dix créatures que la France, ce pays des Lumières, des droits de l’homme et des barbecues en terrasse, déteste cordialement. Pas parce qu’elles le méritent. Mais parce qu’elles ont osé exister sans permission.

1. Le rat.
Ah, le rat. Le cauchemar urbain. Celui qui vit là où vous jetez vos secrets. Il est sale, rapide, intelligent – trois qualités qu’on tolère difficilement chez les autres, encore moins chez les bêtes. Détester le rat, c’est surtout détester ce qu’il vous renvoie : votre propre pourriture.

2. Le pigeon.
Le clochard ailé des villes. Il marche comme un vieil oncle alcoolique et vous bombarde comme un dieu vengeur. Le pigeon est haï non pas pour ce qu’il est, mais pour la manière cruelle dont il rappelle que la nature ne vous aime pas non plus.

3. Le moustique.
Symbole universel de l’injustice : il vole, il pique, il part, il vous laisse avec la démangeaison et la rancune. Il n’a aucun intérêt esthétique ni affectif. Juste un rôle : vous rappeler que vous êtes comestible.

4. Le cafard.
L’invité qui entre sans frapper, ne paie pas de loyer et survit à votre bombe insecticide comme à une discussion politique de famille. On le déteste pour sa ténacité, son refus de mourir. En somme, pour tout ce qu’on n’arrive plus à faire soi-même.

5. La mouche.
Elle vous suit dans la cuisine, dans les toilettes, parfois même dans vos pensées. Elle ne vit que pour vous agacer. Elle est l’incarnation volante de votre mauvaise conscience. D’ailleurs, elle adore les poubelles – tout comme vos souvenirs d’adolescence.

6. Le frelon.
Gros, bruyant, énervé – il est la version ailée d’un voisin agressif sous stéroïdes. Il ne pique pas par nécessité, mais par attitude. On ne le hait pas seulement pour la douleur qu’il inflige, mais pour la menace qu’il représente : celle d’un ordre naturel qui vous refuse le contrôle.

7. L’araignée.
Huit pattes, pas de regard attendrissant, et la capacité de surgir pile au moment où vous pensiez que tout allait bien. On la hait parce qu’on ne la comprend pas. Elle est discrète, patiente, prédatrice – bref, tout ce que vous redoutez chez votre belle-mère.

8. Le serpent.
Depuis Ève, il traîne une réputation de salaud. Et pourtant, il ne fait souvent rien, à part exister. Sa froideur, son absence d’émotion visible, son ondulation inquiétante : c’est trop. Trop reptilien. Trop vrai. Trop proche de certains collègues.

9. La guêpe.
Elle n’est ni abeille, ni papillon. Elle n’apporte rien, sauf l’angoisse au-dessus de la salade. Elle pique juste pour affirmer son existence. Comme certains membres de votre famille, elle surgit aux repas et rend tout inconfortable.

10. La chauve-souris.
Elle vole sans bruit, dort la tête en bas, et vous rappelle que la nature n’a pas lu vos manuels de biologie. C’est l’animal parfait pour les phobies non assumées, le folklore déformé et les apéros en forêt qui finissent en panique hystérique.

Tous ces animaux sont haïs sans procès équitable. On leur reproche d’être là, de ne pas jouer le jeu de la mignonnerie, de ne pas vouloir être adoptés. Et pourtant, dans leur laideur ou leur ruse, ils sont peut-être les derniers à nous dire la vérité.
La vérité qu’on ne supporte pas : ce n’est pas parce qu’un être vous déplaît qu’il vous doit de disparaître.

5. Aimer les chats mais détester les chiens : perversion douce ou posture d’intello passif-agressif ?

C’est une ligne de fracture aussi ancienne que la lutte des classes : les cat lovers contre les dog addicts. Deux tribus irréconciliables, chacune convaincue de sa supériorité morale et esthétique. Mais concentrons-nous sur les plus fascinants : ceux qui aiment les chats mais ne supportent pas les chiens.

Ce sont souvent des gens calmes, discrets, bien habillés. Ils boivent leur thé dans des tasses à motifs floraux et utilisent des mots comme "distanciation" et "espace personnel". Ils aiment les chats parce qu’ils sont libres, autonomes, raffinés… En réalité, ils aiment les chats parce que les chats leur ressemblent, ou plutôt, ressemblent à ce qu’ils aimeraient être. Supérieurs, élégants, détachés. Le chat est leur idéal narcissique sur pattes.

Détester le chien, c’est une autre affaire. Le chien, lui, est trop. Trop joyeux. Trop bruyant. Trop démonstratif. C’est l’ami envahissant qui vous appelle tous les jours, qui veut vous faire des câlins alors que vous êtes au bord de l’implosion. Il n’a pas de dignité, il quémande de l’amour, il vous suit partout… bref, il est humain. Et c’est précisément ce qu’on lui reproche.

Il y a dans cette haine du chien une forme de puritanisme affectif. Une peur panique de l’attachement visible. Une allergie au débordement. Le chien, c’est la sincérité brute, l’amour sans filtre. Il vous regarde comme si vous étiez Dieu, ce qui est insupportable quand on passe sa vie à essayer de ne pas s’aimer.

Alors que le chat, lui, ne vous aime pas vraiment. Il vous tolère. Il vous utilise. Il vous manipule. Il vous méprise un peu, aussi. Et ça, ça rassure. Parce que si même votre animal vous traite comme un meuble intelligent, vous êtes tranquille : aucune attente émotionnelle, donc aucun risque de déception.

Aimer le chat, c’est s’offrir le luxe d’un amour distant, sophistiqué, cérébral. Détester le chien, c’est rejeter l’idée même de l’amour simple, collant, joyeux. C’est aussi, peut-être, se punir. Se punir d’avoir été trop naïf un jour. D’avoir cru à l’affection sans faille. Le chien vous renvoie à votre part d’enfance, celle qui avait besoin d’un câlin. Le chat, lui, vous permet d’oublier que vous avez un cœur.

Alors, perversion douce ? Posture esthétique ? Ou simple peur d’être aimé sans ironie ?
À vous de voir. Mais ne vous étonnez pas si, un jour, votre chat vous regarde longuement… et décide que vous ne méritez plus rien.

6. L’animal comme coach de vie : mieux que votre psy, mais sans remboursement mutuelle

On ne compte plus ceux qui disent que leur animal leur a “sauvé la vie”. Et dans l’absolu, pourquoi pas. Après tout, entre un thérapeute à 90€ la séance qui vous demande “et ça vous fait quoi ?” et un labrador qui vous regarde avec des yeux humides pendant que vous pleurez dans vos nouilles, le choix est vite fait. L’animal ne parle pas, mais au moins, il ne vous juge pas d’avoir envoyé un émoji cœur à votre ex à 2h du matin.

Le chien vous enseigne la joie de vivre dans la répétition : même trottoir, même arbre, même excitation. Il vous montre que la constance peut être festive, que la routine peut être une fête. Le chat, lui, vous initie à l’art du non. Il vous apprend à poser vos limites, à choisir vos moments d’affection. C’est le roi du consentement flou. Il vient quand il veut. Il repart sans explication. Une leçon de lâcher prise, version fourrure et griffes.

Le hamster, ce petit insomniaque en cage, vous enseigne que la vie est une roue qui tourne dans le vide, mais qu’on peut la parcourir avec passion. Le poisson rouge vous apprend à méditer sans le savoir. Il vous invite à observer, à ralentir, à contempler votre propre immobilisme. Même mort, il vous offre une introspection : “Et si moi aussi, je tournais en rond depuis cinq ans dans un bocal mental ?”

L’animal est un coach parfait car il n’a rien à prouver. Il ne cherche pas à améliorer votre CV ni à booster votre productivité. Il ne veut pas que vous deveniez “la meilleure version de vous-même”. Il veut juste que vous remplissiez sa gamelle. En cela, il vous ramène à l’essentiel : être là. Nourrir. Observer. Toucher. Respirer.

Et s’il vous console, ce n’est pas pour que vous alliez mieux. C’est parce que votre tristesse a une odeur qu’il détecte. Et c’est suffisant.

Le plus grand luxe thérapeutique aujourd’hui, ce n’est pas le coaching premium ou la psychothérapie intégrative. C’est ce regard animal qui ne vous demande rien d’autre que d’exister à côté de lui. Avec vos failles. Vos odeurs. Votre fatigue.

Alors non, votre chien n’a pas lu Freud. Votre chat ne connaît pas Jung. Mais ils savent quand vous êtes en train de sombrer. Et ils restent.
Silencieusement.
Sans plan de traitement.
Juste là.

7. Ces humains qui préfèrent parler à leur chien qu’à leur conjoint : stratégie de survie ou darwinisme conjugal ?

Ce n’est pas une anecdote. C’est un phénomène.
Ils sont des millions, ces hommes et ces femmes qui, chaque jour, choisissent de confier leurs états d’âme à un chien plutôt qu’à l’être humain qui partage leur lit, leur loyer, et parfois même leur dentifrice. Et au fond, peut-on vraiment leur en vouloir ?

Le chien, lui, ne coupe jamais la parole. Il n’interrompt pas vos élans avec des “tu dramatises” ou des “c’est toujours pareil avec toi”. Il vous écoute avec la même intensité religieuse, que vous parliez de vos insomnies ou de la cuisson des haricots. C’est la seule créature qui peut vous regarder avec adoration pendant que vous vous plaignez de vos collègues. Une loyauté affective qui ferait pâlir d’envie les plus dociles des moines bouddhistes.

Le conjoint, quant à lui, a des opinions. Pire : il s’en sert. Il vous regarde avec cette expression qui dit “encore ce sujet ?”. Il se souvient de votre passif, il connaît vos failles, et il a la mémoire des reproches. Il est humain, donc imprévisible, donc dangereux. Le chien, lui, ne vous rappelle jamais ce que vous avez dit en 2019 sous l’effet du vin blanc.

Parler à son chien plutôt qu’à son partenaire n’est pas un symptôme de solitude, c’est un acte de prudence émotionnelle. Un filtrage. Une mise en quarantaine affective. Le chien, au moins, ne retournera jamais vos mots contre vous. Il ne vous reprochera pas de pleurer sur le canapé alors que la vaisselle s'empile. Il s’en fiche. Il est là, à vos pieds, en mode “je suis ton meilleur public”.

Et il y a ce détail fondamental : le chien vous regarde comme si vous étiez intéressant. Même quand vous racontez pour la quinzième fois votre journée de boulot où il ne s’est rien passé. Il hoche la tête. Il soupire au bon moment. Il incarne la présence empathique parfaite – sans avoir jamais lu Brené Brown.

Peut-être que ce choix n’est pas un abandon du couple, mais une évolution naturelle. Un darwinisme conjugal. L’humain parle trop. Il argumente. Il nuance. Le chien, lui, aime sans phrase. Il est la victoire du silence bienveillant sur le bruit conjugal.

Alors non, ce n’est pas pathétique de préférer parler à Médor. C’est peut-être même un signe de lucidité. Car parfois, il vaut mieux une oreille poilue sincère… qu’un dialogue à deux qui sonne faux.

8. L’amour animalier est-il une fuite devant la complexité humaine ?

Aimer un animal, c’est simple. Trop simple, peut-être. Et c’est bien ce qui devrait nous alerter.

Un chien, un chat, un lapin ne vous demandera jamais d’expliquer pourquoi vous êtes froid ce soir. Il ne vous reprochera pas d’être distant, fatigué, ou de regarder votre téléphone plus que lui. L’amour animal, c’est un amour sans exigences... ou du moins, sans mots. Et dans un monde où les relations humaines sont devenues des labyrinthes d’ambiguïtés, d’attentes contradictoires et de micro-agressions en filtre sepia, ça fait rêver.

Mais justement : n’est-ce pas trop facile ?
Quand on choisit de consacrer toute son affection à un être qui ne pourra jamais vous contredire, n’est-ce pas une manière élégante d’éviter le conflit, le réel, le miroir de l’autre ? On ne veut plus être confronté à la complexité de l’humain, alors on se réfugie dans l’animal, cet alter ego minimaliste qui ne connaît ni la trahison verbale ni les jeux de pouvoir affectif. Une relation sans zones grises. Ou plutôt : une relation en noir et blanc... avec poils.

Et pourtant, l’attachement est là, sincère, parfois même dévorant. On annule des sorties pour rentrer promener le chien. On s’endette pour une opération vétérinaire. On parle de l’animal comme d’un membre de la famille. On lui fête son anniversaire. On imprime sa tête sur des mugs. Tout cela semble noble. Touchant. Émouvant.

Mais posez-vous cette question :
Aime-t-on les animaux pour ce qu’ils sont... ou pour ce qu’ils ne sont pas ?
Ils ne vous jugent pas, ne vous manipulent pas, ne vous laissent pas en "vu". Ils ne mentent pas, ne flirtent pas avec vos amis, ne publient pas des stories passives-agressives. Bref, ils ne sont pas humains. Et c’est peut-être là tout le problème.

L’amour animalier serait-il une manière de fuir le drame permanent de l’intimité humaine ? Une façon douce, et socialement acceptable, de se mettre en retrait ?
Vous n’avez pas réussi à aimer les autres sans condition ? Aucun souci, voici un chat. Il vous tolère. Et vous appelez ça de l’amour.

C’est peut-être ça, le fond du malaise : nous ne voulons plus être aimés... nous voulons être acceptés sans débat. Et à défaut de trouver cela chez les humains, on s’invente une petite utopie à quatre pattes.

9. Les animaux qu’on déteste sont ceux qu’on ne peut pas contrôler

Ce n’est pas qu’on les hait. C’est qu’on ne les domine pas. Et ça, pour l’humain civilisé et bien élevé, c’est insupportable. L’animal, pour être aimé, doit rester dans un cadre. Doux, obéissant, reconnaissant. Comme un stagiaire silencieux avec du poil. Dès qu’il sort de ce rôle, il devient "inquiétant", "agressif", "nuisible".

Prenons l’araignée. Elle ne fait rien. Rien. Elle tisse. Elle attend. Elle vit sa vie de manière parfaitement logique. Mais vous, vous paniquez. Pourquoi ? Parce qu’elle surgit sans prévenir. Elle va où elle veut. Elle n’a pas signé le contrat social des animaux mignons. Et elle refuse votre affection. Pire : elle s’en moque.
Elle ne veut pas vous plaire. Elle vous ignore. Et c’est précisément ce qui vous rend fou.

Le pigeon ? Même logique. Il se balade dans vos villes comme si elles lui appartenaient. Il ne fuit pas. Il ne se cache pas. Il n’a même pas la décence d’être discret. Il marche avec cette nonchalance provocante, comme s’il vous disait : “tu crois avoir dompté la nature, mais regarde-moi, je chie sur ta statue de Victor Hugo.”

On déteste l’animal qu’on ne peut pas caresser, déguiser, punir, domestiquer. Celui qui garde sa souveraineté animale intacte. Celui qui vous renvoie votre impuissance. Le serpent qui glisse hors de votre portée. Le frelon qui vous attaque sans prévenir. Le rat qui résiste à vos pièges à glu comme un petit Napoléon des égouts.

Et parfois, cette haine se veut rationnelle. On parle de maladies, de danger, d’hygiène. On construit une logique autour de notre peur. Mais la vérité, c’est qu’on ne supporte pas l’animal libre. Celui qui refuse la laisse symbolique. Celui qui vit sans vous, malgré vous, et surtout contre vous.

Au fond, c’est simple :
On aime l’animal qui nous obéit.
On tolère celui qui nous flatte.
Mais on déteste celui qui n’a rien à faire de nous.

Parce qu’il nous rappelle une chose cruelle : la nature n’a pas besoin de notre amour.
Et nous, en revanche, sommes désespérément en manque.

10. À la fin, c’est toujours l’animal qui gagne : il meurt, vous pleurez, et vous le remplacez dans la semaine

Il y a ce moment que tout propriétaire d’animal connaît. Le vide. L’absence. Le silence étrange d’une pièce sans griffes sur le carrelage, sans ronronnements ou regards qui réclament sans parler. L’animal est mort. Et vous êtes effondré.
Pas parce qu’il parlait.
Pas parce qu’il comprenait.
Mais parce qu’il était là. Constamment. Sans jugement. Sans condition.

Et vous pleurez. Sincèrement. Incontrôlablement. D’une manière que vous n’avez pas connue à l’enterrement de votre oncle. Vous réalisez que cet être silencieux vous connaissait peut-être mieux que la moitié de vos amis. Il vous a vu dans vos jours les plus médiocres et ne vous a jamais tourné le dos. Ce regard muet, maintenant éteint, vous manque comme une partie de vous.

Et pourtant, dans 73% des cas (statistique sortie du fond d’une litière sociologique), une semaine plus tard, un nouveau chiot, chaton ou poisson est installé dans le même coin. La gamelle est rachetée, les jouets sont à nouveau dispersés, et vous vous surprenez à répéter le même prénom, ou un presque identique.
Parce que l’animal est irremplaçable, bien sûr. Et qu’il faut combler ce manque, évidemment.

Mais au fond... que remplace-t-on ?
L’animal, ou la fonction ?
Le lien unique, ou le silence rassurant qu’il laissait derrière lui ?
Pleurer un animal, ce n’est pas seulement faire le deuil d’un être, c’est affronter une vérité qu’on ne veut pas voir : on ne sait plus aimer sans condition, sauf quand l’autre ne peut pas répondre.
L’amour unilatéral nous rassure. Il est propre, simple, sans contradiction.

L’animal gagne à la fin. Toujours.
Il part, et vous laisse dans un chagrin qu’aucun humain ne déclencherait plus.
Il vous a offert ce que personne ne vous donne : une fidélité sans agenda.
Et son départ vous rappelle, cruellement, à quel point vous en étiez dépendant.

Alors vous recommencez.
Un nouveau compagnon. Un nouvel espoir.
Vous appelez ça “adopter”, mais c’est souvent votre propre abandon que vous essayez de guérir.

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