Macron va-t-il tomber ? Et si c’était vous le vrai problème…

1. Macron n’est pas un homme, c’est un système

S’il suffisait de virer Macron pour régler le problème, ça ferait longtemps qu’il aurait sauté comme un pop-corn mal conditionné. Mais non. Il est encore là. Inamovible, quasi spectral, capable de traverser une crise sociale avec le sourire émaillé d’un banquier suisse qui vient d’exiler 12 millions d’euros au soleil. Pourquoi ? Parce que Macron n’est pas une personne. C’est un logiciel.

Arrêtez de penser que vous avez affaire à un président. Vous parlez à un système d’exploitation politique. Emmanuel Macron est le nom donné à une interface : celle d’une technocratie néolibérale hautement sophistiquée, upgradeable en continu, avec patchs sécurité contre les mouvements sociaux. Ses yeux ? Des capteurs Lidar pour détecter les courbes de croissance. Sa bouche ? Un canal de sortie pour les algorithmes de communication. Son cœur ? Un processeur ARM de haute fréquence qui refroidit chaque émotion humaine.

Vous pensez le détester ? Vous n’avez rien compris. On ne hait pas un homme. On est pris en otage par une infrastructure. Macron a été programmé pour traverser les révoltes comme un drone militaire au-dessus d’un champ de boue. L’idée même de le “destituer” revient à vouloir effacer un virus en débranchant l’écran.

Et pourtant, que fait-on ? On continue à le personnifier. À le réduire à son brushing trop lisse, à sa posture napoléonienne low-cost, à ses envolées lyriques pour expliquer que “les Français n’aiment pas les réformes”. C’est là que le piège est parfait : pendant qu’on débat de son charisme, de son couple, de ses tics verbaux, le système fonctionne. Il nous bouffe, ligne après ligne.

Vous croyez qu’il gouverne ? Non. Il exécute des lignes de code dictées depuis les back-offices de Bercy, de Bruxelles, de BlackRock. Il est l’avatar rêvé d’un pouvoir sans visage : il parle comme un humain, mais il agit comme une plateforme. Vous pouvez manifester, pétitionner, hurler. Il reste inaltérable, car le cœur du problème, c’est que Macron n’a pas de cœur. Il n’a qu’une API.

C’est pour ça que la “destitution de Macron” est une illusion si on ne commence pas par comprendre ce qu’on veut réellement abattre. Ce n’est pas un homme qu’il faut virer. C’est tout un firmware politique, gravé dans la Constitution, verrouillé dans les médias, crypté dans la langue même qu’il emploie.

Et si vous cherchez encore l’interrupteur pour éteindre la machine, vous n’avez pas compris : il est dans vos têtes. Alors, vous êtes prêts à faire le hard reset ? Ou vous préférez continuer à cliquer sur “Mettre à jour plus tard” ?

2. Le peuple veut le virer, mais il ne sait pas comment

La colère est là. Viscérale. Brute. Majuscule. Dans les ronds-points, les fils Twitter, les apéros enragés, les manifs bordéliques et les réveils trop tôt pour aller bosser sans savoir pourquoi. Ça gronde. Ça bave. Ça explose parfois. Mais ça ne sait pas comment frapper. Parce que destituer un président en France, c’est un peu comme démonter une centrale nucléaire avec un tournevis IKEA.

La vérité, c’est qu’on a désappris la révolte. On sait hurler, mais on ne sait plus hacker. La Constitution ? Personne ne l’a vraiment lue. Article 68 ? Un Pokémon rare. Le “manquement à ses devoirs”, c’est du droit flou, taillé pour que jamais personne ne puisse passer entre les mailles, sauf si Macron décide un jour de repeindre l’Élysée en croix gammées (et encore, BFM trouverait ça disruptif). Alors on tourne en rond. On éructe. On fantasme. Mais on ne sait pas vraiment par où passer.

Et pendant ce temps-là, les médias caressent les incendies dans le sens du kérosène : ils parlent de colère, de tension, de fracture sociale, mais jamais du mode d’emploi pour reprendre la main. Jamais. Parce qu’ils le savent eux aussi : un peuple désorganisé est un peuple gouvernable. Il faut qu’il gueule, mais pas qu’il s’instrue. Il faut qu’il pleure, mais qu’il reste dans les clous. Il faut qu’il manifeste, mais qu’il oublie d’écrire un projet de société.

La manipulation est subtile. Macron fait semblant de ne pas entendre, mais en réalité, il sait très bien que le peuple n’a plus les outils mentaux pour activer sa propre souveraineté. L’école les a désactivés. Les écrans les ont corrompus. Et le doute s’est infiltré partout : “Et si on le vire, ce sera pire après, non ?”, “Mais on met qui à la place ?”, “Et si le RN arrivait ?”. Voilà la plus brillante opération du pouvoir : injecter le poison de la peur dans les veines de l’envie de justice.

Il n’y a plus d’élan collectif, il n’y a que des indignations individuelles. Chacun est son propre micro-révolutionnaire, avec son post Facebook, son tweet rageur, son gif de gilet jaune ou son podcast sur les méfaits du néolibéralisme. Mais une révolution, ça ne se fait pas dans sa story. Ça se fait dans la rue, dans les institutions, dans la désobéissance organisée. Et surtout : dans la connaissance.

Alors oui, le peuple veut virer Macron. Mais c’est comme vouloir exploser un coffre-fort à l’aide d’un dictionnaire. Il manque le code. Et si on apprenait enfin à le lire ?

3. Le jour où Macron tombera : fiction ou mode d’emploi ?

Imagine. Il est 7h43. Ce matin-là, le ciel est pâle, les pigeons marchent lentement sur les toits comme s’ils sentaient que quelque chose cloche. Sur BFM, silence. Pas un bandeau qui court. Sur France Inter, un blanc d’antenne de 3 secondes. Anormal. Soudain, une notification explose sur tous les téléphones de France : "Procédure de destitution présidentielle activée - Article 68 enclenché par le Parlement réuni en Haute Cour." Le temps se fige. Les cafetières débordent. Les chats miaulent plus fort. Macron va tomber.

Scénario 1 : le putsch démocratique éclair. Un groupe transpartisan de députés et sénateurs, dopés à la lucidité (et sans doute au café turc), dépose une motion constitutionnelle. Une conjonction astrale parfaite : majorité obtenue, procédures accélérées, preuves accablantes, et surtout — miracle rare — une opinion publique ultra mobilisée, prête à camper devant l’Assemblée si quelqu’un freine. Macron tente bien une allocution d’urgence, l’œil humide, la voix tremblante, mais c’est trop tard. Le rideau tombe. On entendrait presque l’Élysée soupirer de soulagement. Fin du cauchemar pour certains, début de l’inconnu pour tous.

Mais maintenant, retour sur Terre.

Scénario 2 : la révolution molle. La France gronde depuis des mois. Manifs après manifs, colères après colères, mais rien ne bouge. Et puis, un jour, une étincelle ridicule : une gifle mal placée, une décision fiscale de trop, ou une phrase de travers sur “le peuple qui coûte”. Et ça explose. Pas dans le sang. Dans les cerveaux. Dans les esprits. Les gens cessent d’obéir. Ils bloquent, ils occupent, ils créent, ils paralysent sans casser. Ils débranchent le système. Et Macron ? Isolé, contourné, vidé de toute autorité. Il reste en place, mais comme une statue de cire fondue sous les projecteurs du réel.

Car la vraie chute, ce n’est pas une destitution officielle, c’est la désintégration symbolique. Le moment où plus personne n’écoute. Où même ses ministres fuient les caméras. Où chaque mot prononcé sonne comme du plomb dans une flûte traversière. Il reste président, mais seulement sur le papier glacé des institutions.

Fiction ? Mode d’emploi ? Les deux. Parce que l’histoire se fout de la vraisemblance. Elle avance sur les fractures. Et la nôtre est béante.

La seule question qui reste : serez-vous spectateur de sa chute, ou en serez-vous l’algorithme déclencheur ?

4. La destitution, c’est nous qu’on doit l’appliquer à nous-mêmes d’abord

Voilà le moment que tu vas détester. Parce qu’il est plus facile d’avoir un ennemi commun que de se regarder en face. Et pourtant : si Macron est encore là, c’est parce qu’on l’a laissé y rester. Et pas juste par une mauvaise croix sur un bulletin de vote. Par habitude. Par paresse. Par croyance. Par lâcheté travestie en prudence.

On veut virer Macron ? Très bien. Mais si on ne se destitue pas nous-mêmes de nos réflexes de soumis, de nos postures de commentateurs passifs, de nos besoins d’hommes providentiels, alors on ne fera que changer l’emballage du même poison. Macron n’est pas qu’un produit du système. Il est aussi un miroir. Il incarne toutes nos contradictions : on veut plus de justice mais on refuse la révolution, on rêve de changement mais on flippe à la moindre instabilité. On se veut peuple souverain mais on attend qu’un autre nous sauve.

La vraie destitution, ce n’est pas juridique. C’est psychique. Culturelle. C’est quand on arrête de se comporter en nation infantilisée, éternellement surprise de se faire trahir, alors qu’on a laissé faire, encore et encore. C’est quand on vire en nous le fantasme de l’expert tout-puissant, le fétichisme du costume cravaté, la fascination pour les “leaders”. Macron est le symptôme. Le virus, c’est la servitude volontaire.

On a éteint notre feu. On a mis nos colères dans des stories, nos idées dans des citations d’Albert Camus sur Instagram, et nos espoirs dans la prochaine élection. Résultat : on est là à parler de “destitution” comme d’un fantasme sexy, alors que ce qui ferait vraiment trembler le pouvoir, c’est une nation qui se gouverne elle-même, quartier par quartier, cerveau par cerveau.

Tu veux qu’il tombe ? Commence par désinstaller Macron de ton imaginaire. Refuse ses mots. Dégage ses concepts. Ne joue plus avec ses règles. On ne combat pas un système en suivant son manuel d’utilisation. On le court-circuite, on l’ignore, on crée à côté. Ça s’appelle reprendre le pouvoir.

Destituer un président, c’est un acte politique. Mais destituer notre propre passivité collective, c’est une révolution. Alors, tu t’y mets quand ?

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