La France taxe aussi l'amour (surtout le vôtre)

Prologue : Louer pour aimer, punir pour servir — Sodome a un nouveau comptable

Dans un pays où l’on honore les fraudeurs milliardaires avec des cocktails ministériels, il reste encore des naïfs pour croire qu’être honnête est une bonne idée. François en faisait partie. Un brave type. Retraité, peinard, qui s’est dit qu’aider son neveu à démarrer dans la vie, ça valait bien un petit deux-pièces sous les prix du marché. Un acte d’amour, de solidarité, de bon sens humain. Bref, tout ce que l’État déteste viscéralement.

Parce qu’en France, on ne vous punit pas pour tricher. On vous punit pour avoir été trop gentil sans autorisation préalable. La bonté, ça se taxe. L’entraide, ça se redresse. La compassion, ça se chiffre en pénalités.

Il faut comprendre : le fisc est ce genre d’ex qui, après t’avoir vidé tes tripes pendant vingt ans, te reproche de sourire à quelqu’un d’autre. “Tu loues à ton neveu pour 400€ alors que tu pourrais lui soutirer 1200€ ? Ah ouais ? Tu veux qu’on en parle ?” Et bim, 10 000€ de redressement dans les dents, histoire de te rappeler que l’État est ton seul amour légitime. Et il couche avec ton compte en banque.

François pensait que l’humanité n’avait pas de prix. Il avait tort. L’administration fiscale a fait les comptes à sa place. Et elle a trouvé ça “trop peu”. Comme un serveur qui t’envoie une gifle parce que t’as laissé un pourboire modeste. Le tout emballé dans une lettre en recommandé qui sent la pisse froide et le mépris de bureau climatisé.

Bienvenue dans la France contemporaine : là où l’on célèbre les super-riches optimisateurs fiscaux… et où l’on crucifie les tontons bienveillants. Pas d’inquiétude, cher lecteur. Ce n’est que le début.

Chapitre I : François, ou la passion selon Saint-Fisc

François, 72 ans, visage doux, cœur ouvert, et portefeuille pas trop râpeux. Le genre d’homme qui te donne sa place dans le métro et te file un Tupperware de bœuf bourguignon “au cas où t’as pas mangé”. Il n’a jamais fraudé, jamais volé, et jusqu’à récemment, il croyait encore aux fictions naïves comme “aider sa famille, c’est bien”.

Alors, quand son neveu débarque à Paris avec trois valises et un rêve aussi fauché que lui, François tend la main. Il lui loue son deux-pièces pour 400 euros. De quoi couvrir les charges, pas de quoi s’enrichir. Un acte de tendresse, presque d’éducation sentimentale immobilière.

Mais le fisc, lui, n’a pas de neveu. Il n’a que des cases, des barèmes, et une profonde allergie à la générosité. Quand il découvre que François a préféré l’amour à l’optimisation, il sort son carnet de punitions. “Taux locatif sous-évalué”, “donation déguisée”, “non-respect des valeurs de marché” : c’est Noël à la Direction Générale des Finances Publiques.

Et bam, 10 000 euros de redressement. C’est à ce moment précis que François découvre une vérité capitale : dans la doctrine fiscale française, l’altruisme est un crime tarifé. Aider les siens, c’est suspect. Ne pas monétiser son affection, c’est subversif. Et surtout : la tendresse ne se déclare pas en ligne 4B du formulaire 2044.

Le plus délicieux ? C’est que François avait tout déclaré. Pas comme ces artistes millionnaires qui jurent vivre dans une cabane au Luxembourg. Non, lui il a joué franc-jeu. Ce qui est encore plus impardonnable. En France, l’honnêteté ne se récompense pas. Elle s’humilie.

Chapitre II : L’amour tarifé, c’est pour les putes, pas pour les neveux

Dans l’univers poisseux du fisc, il y a des règles tacites. La première : l’amour, ça se paie. La deuxième : si tu ne fais pas raquer les tiens, tu commets une hérésie économique. Et la troisième : seuls les Bordelais et les proxénètes peuvent fixer librement un prix à la chaleur humaine.

François, ce doux hérétique, a donc fait l’erreur de pratiquer un amour non tarifé. Il n’a pas prostitué son bien immobilier à hauteur du marché. Erreur stratégique. Car pour l’administration, ne pas louer un deux-pièces à 1200€, c’est comme offrir du foie gras au SDF du coin sans passer par un ticket-restaurant homologué. C’est louche. Très louche.

Un ancien cadre du fisc, qu’on appellera “Monsieur X” (parce que “Traître à la patrie fiscale” c’est trop long), m’a glissé cette phrase :

“Ce n’est pas qu’il a trop peu demandé, c’est qu’il n’a pas compris que la générosité est une marchandise.”

Et là, tout s’éclaire : tu peux louer à n’importe qui, n’importe comment, tant que tu factures l’affection, les liens du sang et les souvenirs d’enfance dans le loyer. Sinon ? Tu fais de la donation déguisée. Oui, comme un dealer qui filerait sa coke gratos, mais pour les câlins immobiliers.

Imagine un monde où chaque “je t’aime” doit être accompagné d’une estimation notariale. François, lui, a osé dire “je t’aide” sans devis. Et dans le Code général des impôts, ça s’appelle une insulte à la déesse Rentabilité. Résultat ? Redressement. Punition. Leçon.

Moralité ? Si tu veux héberger ta famille, commence par les haïr un peu. Et n’oublie pas de leur envoyer un reçu.

Chapitre III : L’État veut ta morale, mais à 1200€ le mètre carré

L’État n’a pas de visage, pas de cœur, mais il a un baromètre locatif greffé à la place du foie. Il te regarde avec un sourire de robot, et te dit : “Tu veux être gentil ? Très bien. Mais pas en dessous du prix du marché, hein. On n’est pas des sauvages.”

Car oui, dans ce merveilleux pays, la morale personnelle est tolérée… tant qu’elle passe à la caisse. Aimer son neveu ? D’accord. Mais le faire pour moins de 1200€/mois dans le 15ᵉ ? Là, tu frôles la trahison républicaine. La République t’aime, mais avec une calculette dans une main, et un fusil de redressement dans l’autre.

Un ancien avocat fiscaliste m’a soufflé, entre deux verres de rouge et une dépression nerveuse :

“Le fisc ne cherche pas des fraudeurs. Il cherche des gens qui ne rentrent pas dans son tableau Excel.”

Et François n’était pas aligné. Trop humain. Trop tendre. Il a traité son neveu comme un être vivant, pas comme un locataire potentiel dans une grille comparative. Sacrilège.

Le plus ironique ? L’administration n’a pas bronché quand des élus ont sous-loué à des copains pour zéro euro. Mais François, lui, a été trop transparent. Trop réglo. Il a dit : “Voilà ce que je perçois.” Et le fisc a répondu : “Voilà ce que tu aurais dû percevoir, si tu avais un cœur de promoteur immobilier.”

Ce n’est donc plus une question de justice. C’est une question de rendement affectif.
Si tu aimes vraiment quelqu’un, prouve-le en lui faisant payer plein pot. Sinon, c’est que tu triches.

François a appris que dans cette grande entreprise qu’est l’État, la bonté est un produit de luxe. Et comme tout luxe, elle est fortement taxée.

Chapitre IV : Les puissants fraudent, les pauvres compatissent… et paient

Dans ce grand théâtre de la fiscalité, il y a deux types d’acteurs : ceux qui écrivent les règles… et ceux qui les subissent avec une olive dans la bouche. Spoiler : François n’était pas dans la salle des scénaristes.

Car pendant qu’il se faisait crucifier pour avoir trop aimé à bas prix, là-haut, dans les tours d’ivoire climatisées, les vrais joueurs jonglaient avec des holdings, des résidences fictives à Bruxelles et des comptes aux îles Caïmans. Le tout avec un grand sourire et un cabinet d’avocats fiscalistes qui facture l’heure plus cher que le SMIC mensuel.

Un ancien inspecteur du fisc, devenu bénévole dans une association de lutte contre l’indigestion bureaucratique, m’a dit un jour :

“On ne contrôle pas les gros poissons. Trop de paperasse, trop d’avocats. Alors on tape sur le contribuable moyen, il pleure, mais il paie.”

C’est une stratégie. Une chasse à l’honnête pigeon. Les gros, eux, négocient. Parfois, ils inspirent même des lois. Pendant que François, lui, reçoit une lettre de menace pour avoir oublié de majorer l’amour de son neveu.

Ce qui est fascinant, c’est le silence complice de la machine. Le même État qui serre la vis au petit retraité est celui qui gracie en douce les millions planqués des anciens ministres, des footballeurs offshore, et des barons du CAC 40. L’indulgence verticale, la matraque horizontale.

Et toi, lecteur ? Si tu penses que ça n’arrivera qu’aux autres, détrompe-toi. Il suffit d’un petit écart, une main tendue, un rabais par amour, et paf, tu deviens la prochaine cible. Parce que dans cette jungle fiscale, ce ne sont pas les tricheurs qui inquiètent… ce sont les gentils qui dévient.

Chapitre V : Quand la bonté devient une niche fiscale… à refermer sur ta gorge

On pensait naïvement que les niches fiscales, c’était pour les riches. Détrompez-vous. Elles existent aussi pour les bons samaritains — sauf qu’elles ne s’ouvrent pas pour leur offrir un abri fiscal… mais pour les enfermer à double tour.

L’administration a cette capacité poétique de transformer une générosité en anomalie, une réduction de loyer en dissimulation, un acte d’amour en fraude douce. Et si tu oses offrir ton bien sans le rentabiliser jusqu’à la moelle ? Tu rentres dans une case qui n’existe pas. Et le fisc déteste ce qu’il ne comprend pas.

Une dominatrice fiscale — aujourd’hui reconvertie en consultante en sadomasochisme budgétaire — m’a confié en off :

“Vous savez, au fond, l’administration aime punir. C’est son petit plaisir. Mais les gentils… oh les gentils… ce sont ses préférés. Parce qu’ils ne crient pas trop fort.”

C’est peut-être là le vrai génie pervers du système : faire passer la charité pour un abus, une faille, un vice de forme. Rendre la bonté suspecte. Et si, par malheur, tu crois encore que ton logement est le prolongement de ta conscience, le fisc te rappelle, au moyen d’un recommandé à 10 000€, que non : c’est un produit. Point.

François n’a pas loué un bien. Il a manifesté un attachement. Et dans une société où tout doit être rentable, ça suffit pour déclencher l’alerte rouge. À force de vouloir faire le bien sans demander de reçu, il a réveillé la bête froide et statistique qu’est l’État. Et elle mord.

Ce chapitre pourrait s’appeler “Le prix de la tendresse”. Mais ici, pas de variété française. Juste une feuille d’impôt. Et du sang sur la ligne “revenus fonciers”.

Chapitre VI : Pisser sur la main tendue : manuel d’éthique administrative

Imagine un monde où chaque acte de bonté spontanée serait accueilli par un coup de pelle dans les dents. Un monde où, à chaque fois que tu tends la main, l’État sort sa règle, mesure l’angle de ton coude, vérifie ton taux d’humidité, puis t’envoie une amende pour “trop grande ouverture d’esprit non fiscalisée”.

Eh bien… ne fantasme pas trop. Ce monde existe. Il s'appelle "France – Direction Générale des Finances Publiques".

Une ancienne juriste de Bercy, qui s’est exilée dans un monastère tibétain après une crise existentielle causée par le traitement d’un don de canapé à une grand-mère, m’a soufflé ces mots au téléphone :

“L’administration n’a pas de haine contre la bienveillance. Elle a juste un protocole pour la punir.”

Et tout est là : dans ce subtil mélange de froideur désincarnée et d’absurdité kafkaïenne. François a tendu la main. Il a offert un toit. L’État a vu une faiblesse. Il a pissé dedans.

L’éthique administrative, c’est simple : pas de geste sans contrepartie. Pas de relation humaine sans équation fiscale. Le problème avec François, c’est qu’il a agi comme un homme. Et l’État moderne ne sait parler qu’aux chiffres.

Dans cette bureaucratie où chaque mot est calibré pour ne rien dire mais tout interdire, l’altruisme devient un piège. Une anomalie comportementale. Une hérésie à corriger. Avec une belle facture en guise de pénitence.

Alors maintenant, on le sait : offrir, c’est suspect. Aider, c’est borderline. Et aimer… sans facture… c’est une provocation.

Chapitre VII : Le fisc, cet ex qui ne supporte pas que tu donnes à un autre

Le fisc, c’est un peu comme ton ex le plus toxique. Celui qui ne t’aimait pas tant que ça, mais qui explose en crises de jalousie dès qu’il te voit heureux ailleurs. Tu veux offrir un loyer doux à ton neveu ? Mauvais move. L’État t’observait, planqué derrière un buisson fiscal, et là, il pique une crise.

“Tu veux être généreux avec quelqu’un d’autre que moi ? Très bien. Tu vas payer.”
Oui, payer l’équivalent d’une rupture explosive avec saisie sur compte joint.

Un philosophe fiscal — désormais apiculteur en Lozère, il soigne ses traumas à coups de miel — a résumé la situation ainsi :

“Le fisc est un amant possessif : il n’a pas besoin de ton amour, mais il exige que tu ne l’offres à personne d’autre sans son consentement.”

C’est tout à fait ça. Tant que tu craches ton dû en silence, tout va bien. Mais le jour où tu décides de faire preuve d’humanité, sans passer par lui, il se sent trahi. Blessé. Il agit. Et sa vengeance est froide, calculée, pleine de chiffres et de sigles incompréhensibles. Un peu comme ces textos post-rupture où tu ne comprends pas pourquoi tu mérites autant de haine.

Il faut comprendre : le fisc ne veut pas juste ton argent. Il veut être ton seul référent moral. Il veut régenter ton éthique, tes élans, tes liens. François ne l’a pas trompé. Il a juste fait preuve d’indépendance affective. Grave erreur.

L’État français ne partage pas. Surtout pas ton cœur. Encore moins ton loyer.

Épilogue : Et toi, contribuable ? Aimes-tu ça qu’on te punisse quand tu fais le bien ?

On vit donc dans un pays où il faut s’excuser d’avoir un cœur. Où la tendresse est un luxe et l’altruisme une faute de goût comptable. Où aider ses proches sans majoration devient un acte révolutionnaire passible de redressement.

François n’a pas fraudé. Il n’a pas planqué son fric à Dubaï. Il n’a pas optimisé via une SCI luxembourgeoise ni simulé une résidence secondaire dans une boîte aux lettres des Bahamas. Il a juste aidé quelqu’un de sa famille. Et pour ça, on l’a puni. Sévèrement. Méthodiquement. Presque avec une certaine jouissance technique.

La machine fiscale n’a pas d’âme. Mais elle sent quand quelqu’un essaie encore d’en avoir une.

Alors, toi qui lis ces lignes, toi le petit contribuable, le parent compatissant, le proprio pas trop salaud, le tonton gentil ou la voisine serviable : t’as compris la leçon ?
Ne donne rien sans taxe. Ne tends rien sans estimation. N’aime personne sans devis.

Ou alors… fais-le quand même. Mais prépare-toi à être crucifié sur l’autel de la Rentabilité Sacrée.
Et si on te redresse, redresse-toi aussi. Avec un sourire, un bon avocat… ou une lettre anonyme à envoyer au fisc au sujet d’un député un peu trop bien logé.

Et maintenant ?
Tu te sens comment, face à ce système ?
Est-ce qu’on a raison de rester droits dans un monde aussi tordu ?
Ou est-ce qu’on devrait tous commencer à facturer nos câlins au prix du mètre carré ?
Vas-y. Dis-le. Ça reste entre toi, moi… et peut-être un contrôleur.

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