Resto : Le Grand Hold-up à la Carte des Boissons

1. "Qu'est-ce que vous voulez boire ? Ou un petit apéritif pour vous faire plaisir ?" — Déclencheur de hold-up cordial

Ah, cette phrase. Sucrée comme un mojito, glaciale comme le sourire d’un serveur en fin de service. Elle tombe, toujours, avant même que t’aies ouvert le menu. "Qu'est-ce que vous voulez boire ?" — ce n’est pas une question. C’est une menace passive-agressive en costard noir, bien huilée, calibrée, digne d’une scène de film de mafia version bistro.

Et si tu as l’audace — que dis-je, l’insolence — de répondre : "Rien merci, juste de l’eau", là… c’est comme si tu venais d’écraser la cigale du patron. Silence pesant. Sourcil levé. Stylo qui ne note rien. T’as le droit d’exister, mais t’es déjà en sursis. Dans sa tête, tu viens de ruiner l’équilibre économique de la maison.

Parce que oui, le resto moderne ne vit plus de ses plats, mais de ce qui les entoure. Boissons, suppléments, desserts, cafés : c’est le back office de la bouffe. Le foie gras ? Une façade. Le vrai trésor, c’est le Schweppes à 5€ vendu 20 fois son prix.

Ce moment anodin où tu t’assois et qu’on t’offre généreusement une carte des vins sans que tu l’aies demandée, c’est une embuscade sociale. Et tout est fait pour te culpabiliser de ne pas jouer le jeu : "Un petit apéritif pour vous faire plaisir ?" Plaisir ? Pour qui ? Pour moi ou pour ton taux de marge brute ?

Et si tu commandes un Coca, là aussi, tu deviens un cliché ambulant : le client sans imagination, sans alcool, mais avec l’addition la plus rentable de la table. Car ce Coca-là, sorti d’une bouteille de 1,25€ au supermarché, vient de te coûter 4,90€ pour 20cl et deux glaçons qui fondent avant l’entrée. Bravo. T’es la vache à lait. Et le pire ? T’as même pas bu de lait.

Mais c’est la norme. On t’apprend dès petit à "prendre quelque chose" pour être poli, à "accompagner son repas" avec une boisson, à "faire tourner l’établissement". Parce que sinon, tu fais tache. Tu déranges. Tu réduis leur rentabilité à l’état de vulgaire carafe tiède.

Alors, qu’est-ce que vous voulez boire ?
Moi ? Un petit remontant. Parce que ce système, il donne soif... mais pas de ce qu’on nous sert.

2. Le regard qui tue : quand demander une carafe d’eau fait de toi un pestiféré

C’est l’un des grands non-dits de la restauration française. Tu peux encore arriver en retard, oublier de dire bonjour ou manger ton steak bien cuit sans trop de représailles. Mais demander une carafe d’eau, ça, c’est LE geste qui te transforme instantanément en paria social.

Tu lèves la tête, poliment, un sourire presque coupable aux lèvres, et tu oses :
— "Et une carafe d’eau, s’il vous plaît."

Et là, tu le vois : le fameux micro-silence.
Le serveur s’arrête, te jauge. Ton visage est scanné, évalué. Tu viens de sortir du rang. T’es l’invité qui a apporté ses tupperwares à un banquet. Et même s’il te répond : "Bien sûr", sa mâchoire grince. Il a le sourire coincé d’un mec à qui on vient d’annoncer que sa prime de fin d’année venait d’être reversée à un client sobre.

Tu ne l’as peut-être jamais remarqué, mais la carafe d’eau, c’est le symbole ultime de la dissidence silencieuse. C’est le client qui ne joue pas le jeu. Le rebelle qui boit sans enrichir. Et surtout, c’est un rappel cruel : l’eau est gratuite.
Et ça, dans un monde où tout est facturé, c’est inacceptable.

Alors tout est fait pour la rendre honteuse.
On la sert tiède, sans glaçon, dans une bouteille où on a encore l’étiquette Vittel arrachée au trois-quarts. Le verre ? Un vieux truc ébréché, l’équivalent liquide du coin de table. Parfois, on te "l’oublie", histoire de te faire comprendre que ce n’est pas une priorité. Tu dois relancer. Deux fois. Trois. Et tu sens que tu déranges. Tu sens que tu n’as pas respecté la règle non-écrite : "Bois, mais paie."

Mais le plus fou, c’est que tu ne t’en rends même pas compte tout de suite. Tu te sens mal, à tort. Comme si t’avais triché. Comme si tu étais une charge. Alors que non. Tu réclames juste ce que la loi t’accorde (et ce que ton corps exige), mais tu passes pour le radin, le profiteur, le parasite.

Alors qu’en vrai, tu es juste lucide.
Tu sais que tu n’as pas à payer 5€ pour un liquide que la Terre produit gratuitement, que ton sac contient mieux et plus frais, et que ton seul crime, c’est d’avoir choisi l’hydratation libre face à la dictature du soda.

La prochaine fois, regarde bien autour de toi. Observe les regards. Et si tu oses commander une carafe, tiens-toi droit. Fier.
Parce que tu viens de commettre l’acte le plus subversif de tout le resto.

3. Analyse d’un liquide : ce que contient vraiment ton verre (spoiler : sûrement pas ce que t’as payé)

Regarde bien ce verre posé devant toi. Tu crois que c’est un Coca. Peut-être une eau minérale. Tu crois.
Mais ce n’est pas un Coca.
Ce n’est pas de l’eau minérale.
C’est une performance. Une mise en scène. Un tour de magie. Et toi, tu es le pigeon qui applaudit en payant l’addition.

Bienvenue dans le monde merveilleux de la boisson restaurée, cette œuvre d’art contemporaine où l’on te vend 20cl de liquide à prix d’or, enrobé dans un storytelling à base de glaçons, de citron dépressif et de bouchons… absents.

Oui, le bouchon, parlons-en. Pourquoi est-ce que la bouteille arrive déjà ouverte, toujours, systématiquement ?
Parce que si tu la voyais fermée, tu pourrais constater qu’elle a été remplie avec une grande bouteille achetée chez Lidl, pour 0,25€, entre les knackis et le café soluble.
Mais là, magie : on te la sert déjà ouverte, comme si quelqu’un en coulisses avait validé le millésime de la flotte.

Et l’eau pétillante ? C’est la star de l’arnaque. Tu crois boire de la Badoit, c’est peut-être de la “Bulloza”, marque inconnue achetée au rabais, transvasée dans une vieille bouteille rincée, séchée, maquillée.
Un vrai petit trafic de contenants. Du recyclage haut de gamme. Du greenwashing de serveur.

Tu veux des chiffres ? Allons-y, ça va piquer.
- Un Coca, prix d’achat en gros pour le resto : 0,30€ pièce max.
- Prix de vente en terrasse : 4,50€ à 6€.
- Marge nette : plus de 1400%.
Et encore, sans les taxes ! Parce que les softs, attention, ne sont PAS taxés comme les alcools.
Pas de taxe de débit de boisson. Pas de supplément fiscal. Nada. Zéro.
Donc quand ils te disent “oui mais vous comprenez, on a la licence IV à amortir”, c’est du violon. La licence, ils l’ont souvent depuis 1982, et elle a été remboursée cent fois. Tu paies pour une légende.

Et pendant ce temps-là, toi, t’es là à te dire "bon c’est le cadre, le service, c’est normal"... Mais le cadre, c’est une chaise bancale, et le service, c’est un mec qui souffle quand tu demandes du pain.

Mais le plus beau, c’est la stratégie de la soif. Le verre est petit. Le fond est occupé par 3 glaçons et une tranche de citron carbonisée. Tu bois une gorgée, il ne reste rien. Tu recommandes. Et là, bam, jackpot. Tu viens de signer pour un second verre à 5€, et t’as toujours soif.
Tu finances leur machine à glaçons.

Alors oui, tu peux demander de l’eau du robinet. Une carafe. Mais là, tu vas voir que le vrai prix, c’est le regard du serveur.
Parce qu’au fond, ce n’est pas juste un verre de Coca.
C’est un test.
C’est un piège.
C’est un racket en gobelet. Et toi, tu paies. Et tu dis merci.

Allez, santé hein.

4. La nouvelle économie : les restos gagnent plus sur le Coca que sur le foie gras

Tu penses que le plat du chef, c’est la star de la maison ? Que le foie gras mi-cuit aux figues ou le tartare de saumon "à notre façon" paient les charges ?
Non. Le vrai produit phare du restaurant, celui qui remplit vraiment la caisse, c’est ton Coca.
Ton Orangina.
Ton sirop fraise-piscine que t’as commandé pour ton gosse.
Bienvenue dans la restauration 2.0 : le plat ne nourrit plus que l’excuse, la boisson finance tout le reste.

C’est simple : le foie gras, ça coûte cher à acheter, à conserver, à préparer.
La boisson, c’est du liquide préfabriqué, stable, facile à stocker, et presque indestructible. Une bouteille de soda peut rester là des semaines. Pas de DLC critique. Pas de risque de gastro. Pas de cuisson ratée. Pas de client qui envoie le verre en cuisine pour "trop de bulles".

Et le pire ? C’est que t’as même pas le droit à l’erreur.
Tu demandes "un Coca", on te sert un Pepsi. Tu demandes une eau plate, tu te retrouves avec une San Pellegrino à 4,80€. Et si t’as le malheur de dire "Ah non, c’est pas ce que j’ai demandé", on te regarde comme si t’étais en train de voler le pain d’un orphelin.

Parce que dans cette économie parallèle, le moindre liquide est sacré.
C’est l’eldorado de la rentabilité. Une vache à lait à bulles.
Le plat est là pour la forme. Pour que tu restes assis. Pour t’occuper la bouche entre deux gorgées de cash.

Et les restaurateurs le savent.
C’est pour ça que le menu enfant coûte 12€, avec un sirop à l’eau à 3€.
C’est pour ça que le café allongé est à 2,90€, alors que la dosette a coûté 0,10€.
C’est pour ça que le mojito maison, fait avec du rhum de supermarché, du sucre, des feuilles flétries et de l’eau gazeuse au pif, t’es facturé 9€. Et encore, sans alcool parfois, faut demander...

Mais toi, tu continues. Parce que tu ne veux pas passer pour un grippe-sou. Parce que la boisson, c’est devenu un acte social.
Tu trinques, tu accompagnes, tu fais comme tout le monde.
Et tu finances un système où l’eau gazeuse est plus rentable que le magret.

Alors non, le restaurateur ne veut pas que tu partes sans boire.
Il s’en fout de ton estomac.
C’est ta gorge qu’il vise. Et ta carte bleue.

5. Taxes, licences IV et légendes urbaines : on t’explique pourquoi l’excuse du "ça coûte cher" ne tient pas

Ah, l’argument suprême du restaurateur en détresse fiscale :
"Oui mais vous comprenez, monsieur, la licence IV, ça coûte très cher, hein..."

Vraiment ? Tu veux qu’on en parle ? Allez, on démonte le mythe en cinq coups de torchon.

1. La licence IV, cette vieille dame déjà amortie

Oui, une licence IV peut coûter cher à l’achat… la première fois. Une fois. En 1987.
Depuis ? Elle est transmise, revendue, amortie, rentabilisée 74 fois par tous les mojitos vendus à des gens qui confondent menthe et basilic.
C’est comme si tu te plaignais encore de ton crédit voiture… alors que tu l’as remboursé en francs.

Et petite précision qui fait mal :
La licence IV ne concerne que l’alcool.
Pas le Coca. Pas la Cristaline. Pas ton sirop à l’eau à 3,20€.
Donc quand tu paies une blinde ton soda, tu finances une licence qui ne s’applique même pas à ta boisson. Chapeau le tour de passe-passe.

2. Les taxes sur les softs ? Zéro

Tu veux connaître le montant de la "taxe sur les jus de fruits et boissons gazeuses" pour un resto ?
C’est comme les glaçons dans ton verre : il faut une loupe pour les voir.
En réalité, il n’y a aucune taxe spécifique sur un verre de soda servi à table. Et l’eau ? Encore mieux : zéro taxe.
Et pour cause : elle est censée être gratuite, par obligation légale. Donc le mec qui te facture 3,50€ "l’eau filtrée de table", il fait littéralement du trafic d’humidité.

3. Les charges ? Elles n’expliquent pas tout

"Oui mais il faut bien payer le personnel, l’électricité, le chauffage…"
Très bien. Alors explique-moi pourquoi les plats sont restés à 16€, mais les boissons sont passées de 2 à 6€ en dix ans ?
Tu chauffes le Coca ? Tu le prépares maison avec amour ? Tu le fais vieillir en fût dans ta cave à bulles ?
Non. Tu ouvres une bouteille, tu verses. Et tu marges comme un oligarque.

4. Le drame du restaurateur incompris

On le plaint, le pauvre. Ce héros du service, ce saint de la gastronomie qui "ne se verse pas de salaire".
Mais bizarrement, il a changé trois fois de voiture en quatre ans, ses enfants sont en école privée, et il part à Lisbonne tous les mois pour "se ressourcer".
Alors oui, peut-être que certains galèrent. Mais beaucoup se gavent sur les boissons, pendant que toi, tu culpabilises de demander une deuxième carafe d’eau comme si tu venais de piquer dans la caisse.

5. En résumé

Quand tu bois un Perrier à 5,40€, tu ne finances ni l’État, ni le service, ni la culture culinaire française.
Tu finances une fiction économique, une excuse bien huilée pour te faire avaler une marge obscène sans broncher.

Mais t’inquiète, maintenant, t’es réveillé.

6. Boire sans boire : quand l'eau minérale de ton sac devient un acte révolutionnaire

Tu sais ce que c’est, aujourd’hui, que de sortir ta propre bouteille d’eau au restaurant ?
C’est pas juste un geste. C’est un manifeste politique. Un acte de désobéissance civile.
Tu pourrais presque entendre les tambours de la révolte en arrière-plan pendant que tu ouvres ton bouchon.

Parce qu’évidemment, ce n’est pas permis.
Officiellement ? Hygiène, réglementation, respect du lieu.
Officieusement ? Tu sabotes leur business modèle. Tu viens avec ta flotte, et tu casses le robinet à marges. Tu es la bête noire du serveur, le cauchemar du patron, le Che Guevara de la déshydratation libre.

Et pourquoi tu fais ça ?
Pour prendre un médicament. Parce que tu as soif. Parce que tu n’as pas envie de lâcher 4,80€ pour une bouteille tiède à moitié vide servie avec un air supérieur.
Mais ça, ils ne veulent pas l’entendre. Tu viens bousculer leur théâtre. Tu leur rappelles que leur grande mascarade tient sur un fond d’eau et deux glaçons.
Tu refuses de jouer. Tu refuses de consommer pour consommer.

Résultat :
- On te fusille du regard.
- On fait des remarques "subtiles" : "C’est pas trop autorisé, normalement…"
- Parfois, on t’envoie carrément le manager au front, comme si tu venais d’installer un barbecue sur leur terrasse.

Mais ce que personne n’ose dire, c’est que c’est ton droit.
Aucune loi ne t’oblige à acheter une boisson. Tu as le droit d’amener de l’eau, surtout pour un traitement. Et encore plus si le resto refuse de te servir une carafe, ou te fait poireauter 30 minutes.

Et franchement ? Même sans excuse médicale : t’as pas à te justifier.
Tu bois ce que tu veux, où tu veux. Tu ne vas pas te laisser racketter parce que "ça fait pas bien" ou "faut consommer pour rester".

Et si tous les clients faisaient ça ?
Ouais. Là, les choses changeraient. Peut-être qu’ils reverraient leurs prix. Peut-être qu’on arrêterait de te prendre pour un guignol à qui on peut vendre de l’eau à prix de parfum.

Alors continue. Résiste. Visiblement, sortir une bouteille Cristaline, aujourd’hui, c’est plus punk que d’aller à une manif.

Et surtout, la prochaine fois que tu le fais, lève les yeux, droit dans ceux du serveur. Et dis, calmement :
"Merci, j’ai déjà de quoi me ruiner dans la vie. Mon eau, au moins, ne me prend pas pour un con."

7. Les enfants aussi se font plumer : le sirop à l’eau, cette tragédie de l’enfance moderne

Tu crois que les arnaques, c’est réservé aux adultes naïfs qui commandent un Perrier citron sans vérifier le prix ?
Erreur.
Le racket commence tôt. Très tôt.
Dès qu’un enfant s’assied à une table de restaurant, il devient une cible économique. Une mini-cible avec des petites jambes et des grands yeux qui regardent la carte des boissons comme un menu de fête.

Et là, sous ses doigts collants, il découvre le drame sucré : le sirop à l’eau.
Un classique. Un "petit plaisir", comme dirait le serveur.
Mais surtout, une escroquerie douce, enveloppée dans de la grenadine.

3,20€ pour quoi ?
- Deux centimètres de sirop,
- Un peu d’eau du robinet,
- Et un glaçon qui flotte comme l’âme de ton portefeuille.
Pas même une paille digne de ce nom. Non. Une paille en carton, fondue au bout de deux gorgées, comme si l’enfant devait boire vite avant que le temps ne révèle l’arnaque.

Tu fais le calcul ? Une bouteille de sirop, c’est 1,60€ en grande surface, pour environ 50 verres.
Coût unitaire : 0,03€.
Prix de vente : 3,20€.
Multiplicateur : 106.
Même les cartels de drogue n’osent pas une telle marge.

Mais ça passe. Parce que "c’est pour l’enfant". Parce que ça a l’air gentil. Parce qu’on croit que c’est une bonne idée de ne pas lui filer un soda.
Mais on l’initie très tôt à la logique de la douille.

Et ne crois pas que les enfants ne remarquent rien.
Ils voient bien que leur "boisson spéciale" est moins colorée, moins sucrée, moins généreuse qu’à la maison. Ils te demandent :
"Pourquoi c’est moins bon qu’à la maison ?"
Et toi, tu réponds quoi ?
Que c’est normal ? Que c’est comme ça au restaurant ? Que dans la vraie vie, on paie 3€ pour un verre de flotte aromatisée avec une goutte de sucre ?

Non. Tu baisses les yeux. Et tu comprends que ton enfant vient de vivre sa première désillusion capitaliste.

Alors oui, les enfants aussi trinquent. Pas avec du champagne, non.
Avec une grenadine light, tiède, en surcharge émotionnelle.

Et toi, tu paies. Et tu dis merci.

8. Les bons plans pour ne pas se faire rincer : où boire sans pleurer l’addition

Tu penses que c’est mort ? Que toute la France s’est liguée pour te facturer la moindre goutte à prix de carafe en cristal ?
Pas totalement. Il reste des îlots de décence. Des oasis dans le désert tarifaire.
Mais pour les trouver, faut creuser. Faut flairer. Faut traquer les restos où l’eau coule libre… et la facture, un peu moins.

Voici ton guide de survie pour boire sans vendre ton livret A :

1. Les restaurants associatifs, coopératifs ou militants

Oui, ils existent. Des lieux où le prix est juste, où l’on te sert une carafe avant même que t’aies osé la demander, avec même parfois de vrais glaçons et un verre propre (oui, c’est devenu rare).
C’est souvent dans les coins un peu alternatifs, les quartiers "qui pensent encore collectif", les bistrots qui organisent des expos de potiers engagés.
Tu paies ton repas, pas ta dignité.

2. Les cantines populaires et les restos ouvriers

Tu veux boire pour pas cher ? Va là où personne ne t’emmerde. Où l’on mange en 45 minutes chrono avec un demi rosé posé sur la table sans chichis.
Le sirop à 1€, la bière à 2, la carafe déjà posée, et personne pour te regarder comme un voleur d’Hépar.
C’est pas Instagrammable, c’est pas sur TikTok, mais c’est humain.

3. Les chaînes, parfois (oui, j’ai bien dit parfois)

Certains gros groupes, pour faire bonne figure, offrent des formules où la boisson est comprise.
Tu tapes un plat + boisson pour 12€, et tu peux boire sans remords. Alors oui, c’est pas de la haute gastronomie, mais tu ressors hydraté et financièrement digne.

4. Les restos étrangers qui respectent encore le client

Va faire un tour dans certains restos turcs, vietnamiens, tamouls, sénégalais : souvent, les boissons sont à prix raisonnable, et l’eau, on te la sert sans renifler ton âme.
Parce que dans beaucoup de cultures, c’est impensable de te laisser crever de soif en t’assommant au passage.

5. Le resto du futur : ta cuisine

Et puis sinon, y’a le dernier bastion. Ta maison. Ta gamelle. Ton pique-nique.
T’as pas de déco Pinterest, mais tu peux boire 1,5L de Badoit pour 0,47€.
Et si quelqu’un te regarde de travers, c’est ton chat.

Alors non, tout n’est pas foutu.
Mais faut chercher. Faut se lever de table, se lever du piège. Faut refuser la norme de la boisson à 6€ comme si c’était une offrande divine.
Et faut en parler. Fort. Partout.

9. L’hypocrisie des convenances : et si on arrêtait de commander pour faire plaisir au serveur ?

Tu le sens, ce moment ?
T’as pas vraiment soif, mais tu regardes la carte des boissons juste pour ne pas gêner.
Tu sais que t’en as pas besoin. Tu sais que t’en as pas envie.
Mais il y a ce regard. Celui du serveur. Celui des autres.
Alors tu commandes. Par réflexe. Par pression sociale. Par peur d’avoir l’air pauvre.

Bienvenue dans la dictature molle de la boisson de courtoisie.

Tu crois que t’es libre ? Non. T’es dressé.
Tu as été formaté depuis l’enfance à "prendre quelque chose", parce que rester assis sans consommer, c’est mal.
Tu es un bon petit soldat du service, qui s’excuse presque de ne pas commander un apéritif en plus du plat.

Et le serveur joue le rôle à merveille. Il ne te juge pas.
Il t’insinue subtilement la honte.
"Rien à boire du tout ?" avec les sourcils levés.
"Pas même une petite eau gazeuse ?" avec une moue de fausse compassion.
Et toi, tu te sens obligé de craquer, comme si t’étais en train de saboter la fête de fin d’année d’un orphelinat.

Mais attends une seconde.
Pourquoi tu devrais commander une boisson si t’en veux pas ?
Pour entretenir le mythe que "c’est normal" de payer 4,80€ pour un Perrier tiède ?
Pour que le resto te trouve "sympa", alors qu’il t’a déjà servi un burger froid et oublié les frites ?
Non. Non. Mille fois non.

On a créé une hypocrisie où ne pas consommer devient antisocial.
Tu veux juste manger ? T’es un pingre.
Tu veux juste t’hydrater ? T’es un radin.
Tu veux rien ? T’es un parasite.

Et pourtant, tu es le seul lucide à la table.
Les autres se font rincer — littéralement — pendant que toi, tu refuses le cirque.
Et ça les énerve. Parce que ton refus éclaire leur propre soumission.

Alors voilà : arrête de commander pour faire plaisir.
Le serveur ne t’en voudra pas. Et s’il t’en veut, il se remettra.
Tu n’as pas à payer pour exister. Tu n’as pas à boire pour être digne. Tu n’as pas à financer le délire d’un système qui vend l’eau comme un privilège.

La prochaine fois qu’on te dit :
"Et pour vous, ce sera ?"
Tu pourras répondre, calmement, avec le regard fier d’un survivant des terrasses :
"Pour moi, ce sera non."

Et tu boiras tranquillement. Dans ta tête. À la santé de ta liberté retrouvée.

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