1. Miam miam les vers : pourquoi on adore faire semblant d’aimer ça

Soyons honnêtes deux minutes – mais pas plus, hein, faut pas perdre l’audimat : vous ne mangerez jamais d’insectes par plaisir.
Pas parce que c’est pas bon. Pas parce que c’est pas nutritif. Mais parce que votre cerveau, dressé à saliver devant des nuggets douteux et à hurler devant une sauterelle grillée, est un snob gastronomique à œillères.

Et pourtant… quel gâchis.

Les insectes sont des bombes de protéines. Littéralement. Une cuillère de poudre de grillon = autant de protéines qu’un steak de bœuf, sans le pet de vache ni la souffrance animale (à moins que vous ayez une empathie débordante pour les ténébrions).
Ajoutez à ça du fer, du zinc, des fibres, et – bonus bonus – peut-être une ou deux petites bactéries exotiques pour réveiller votre système immunitaire à la dure. Oui madame, oui monsieur : un petit ver, et hop, anticorps tout neufs. Ça s’appelle la pédagogie parasitaire.

C’est pas moi qui le dis, c’est… bon, disons “la science” (ou un stagiaire en biologie tropicale, mais ça compte). On appelle ça le principe de l’hormèse : de petites agressions qui renforcent le corps. Donc si vous chialez à la première grippe, peut-être qu’un petit cafard au petit-déj vous rendrait moins fragile. Je dis ça, je dis rien.

Mais là où c’est encore plus ironique, c’est que vous avez déjà mangé des insectes, sans le savoir. Dans vos barres de chocolat. Dans votre pain. Dans votre jus d’orange. Ah, ça rigole moins, hein ? Vous les aimiez, vos vers camouflés, tant qu’ils portaient une cravate d’arôme artificiel.

Alors pourquoi faire la grimace quand on vous sert une belle brochette de criquets grillés, assaisonnés au paprika doux, riches en protéines, pauvres en cholestérol, bons pour la planète, et surtout… parfaits pour alimenter votre ego écolo en soirée ?

Parce que manger un insecte, c’est affronter sa propre peur. C’est dire adieu à la société du faux-semblant culinaire.
C’est oser être meilleur. Ou au moins, plus croquant.

Alors oui, c’est un peu beurk. Mais c’est le goût du courage. Et peut-être aussi celui de la survie.

2. La start-up qui voulait sauver le monde avec des cafards : LOL

Il était une fois, dans un open-space lumineux parfumé au soja fermenté et à l’optimisme naïf, une bande de jeunes surdiplômés qui a cru qu’on pouvait nourrir la planète avec des asticots.

Leur projet ? Noble. Brillant. Un brin suicidaire.
Élever des insectes pour nourrir le monde, en finir avec les élevages intensifs, proposer des alternatives durables, riches en protéines, respectueuses de l’environnement. Bref, sauver la planète, mais version antennes et exosquelettes.

Ils y ont mis tout leur cœur, leur foi, leur PowerPoint. Ils ont levé des fonds. Ils ont pitché devant des investisseurs végétariens qui font semblant d’aimer les sauterelles en poudre, mais qui, en vrai, mangent des wraps au saumon dès que personne ne regarde.

Et pourtant, ça a floppé. Pourquoi ? Parce que la start-up a oublié un détail minuscule : l’humain. Ce bipède imprévisible, qui pleure devant une vidéo de tortue étranglée par une paille, mais qui hurle à l’agression culturelle dès qu’on lui suggère de goûter une biscotte à la farine de ténébrion.

La vérité, c’est que cette start-up n’a pas échoué parce que son idée était mauvaise. Elle a échoué parce qu’elle était trop en avance sur son temps, dans un monde où le futur est climatisé, emballé, surgelé, mais surtout sans pattes.

Et puis il y a eu les réglementations, les normes, les labyrinthes administratifs. Il faut dire que vendre un insecte comestible, c’est plus compliqué que vendre un SUV thermique de 2,5 tonnes.
Ah, la France : pays du vin, du fromage, et de l’interdiction d’innover sans tampon “validé par la DGCCRF”.

Alors ils ont coulé, dignement. En silence. Et leurs grillons avec.
Pas faute d’avoir essayé. Pas faute d’avoir rêvé. Juste faute d’avoir été lucides sur un truc : on ne change pas le monde avec du bon sens. On le change avec du marketing.

Et là, désolé, mais le cafard pané, même en storytelling, ça ne passe pas.

3. Vers à soie ou vers de terre ? On a tranché : aucun.

Le marché a parlé. Et il a dit : « merci, mais non merci. »
On vous avait pourtant promis un avenir radieux, où les burgers seraient verts, les barres protéinées bourrées de criquets, et les cantines scolaires peuplées de petits pots à base de fourmis sauce thaï.

Résultat ?
Vous avez préféré retourner dans les bras suants du bœuf industriel et des nuggets reconstitués. Tranquilles. Sans antennes. Sans scrupules.

Car voilà le cœur du problème : personne n’a réellement envie de manger des insectes, sauf dans deux cas très spécifiques : 1. Pour l’expérience sociale (souvent en voyage, en Thaïlande, en se filmant en train de croquer une mygale en disant “c’est pas mauvais !”). 2. Ou pour se donner bonne conscience (“moi j’ai goûté des vers, je suis hyper ouvert d’esprit”).

Mais pour le quotidien ? Pour les courses au Franprix ? Pour les petits plats de Mamie ?
ZÉRO CHANCE.

Pourquoi ? Parce que manger des insectes n’a pas été marketé comme un acte plaisir, mais comme un acte de punition écologique.
"Tu veux continuer à vivre sur Terre ? Tiens, mange ton ver."
"Tu veux sauver les océans ? Bouffe ton scorpion déshydraté."
"Tu veux être responsable ? Voilà une barre de criquets lyophilisés, mon grand."

On dirait une secte qui veut ton bien, contre ton gré.
Et ça, le consommateur, il le sent. Il sent que derrière le discours bienveillant, se cache une injonction passive-agressive : mange ton insecte, pécheur carbone !

Et là, au moment du choix, entre le steak saignant et la tartine de termites, le cerveau choisit toujours la familiarité.
Et pas la meilleure idée.
Juste l’idée qui ressemble à ce qu’on a toujours mangé. Même si ça tue des vaches. Même si ça rase la forêt. Même si ça rend obèse.

Moralité ?
Le marché a testé l’insecte. Il a regardé l’emballage. Il a ouvert la boîte. Il a vu ce qui rampait dedans.
Et il a dit : “non merci, j’ai déjà mangé”.

4. On dit qu’on aime la planète. Elle dit : mange des grillons. On dit : ah non, j’ai déjà mangé.

L’hypocrisie écologique, c’est un art de vivre en Europe occidentale.
On trie nos déchets, on râle contre les jets privés, on achète des tote-bags en coton bio cultivé avec 20 000 litres d’eau… mais quand on nous propose de manger un grillon au lieu d’un bœuf élevé sous antibiotiques ?
Là, c’est niet. La ligne rouge. La limite de l’engagement.

C’est drôle, parce que la planète, elle, elle s’en fout de vos goûts culinaires. Elle ne demande pas que vous aimiez les insectes. Elle demande juste que vous arrêtiez de la transformer en rôtissoire géante. Et les insectes, eux, offrent une piste crédible, concrète, accessible.
Mais non.
Vous, vous avez préféré dire :

"J’veux bien sauver les ours polaires, mais faut pas déconner non plus. Je vais pas bouffer un cafard."

C’est marrant, cette capacité à militer pour la Terre tout en refusant catégoriquement ce qu’elle propose de plus durable.
Une protéine ultra-efficace, qui se reproduit à la vitesse de vos contradictions, qui consomme 2000 fois moins d’eau qu’un steak, et qui, cerise sur la bouse, n’a même pas de regard triste pour vous culpabiliser.

Et pourtant, on les snobe, les insectes.
On les voit comme des punaises à éviter, pas comme des solutions à mastiquer.
Parce que oui, on préfère l’écologie symbolique à l’écologie réelle.

Mettre un filtre vert sur sa photo Insta avec une citation de Greta Thunberg ?
Oui.
Remplacer son apéro saucisson par des chips de criquets ?
Jamais.
T’es fou ? Et si j’en venais à aimer ça ?

L’écologie, on la veut propre, stylée, et surtout invisible dans notre assiette.
Elle peut s’imprimer sur des t-shirts, apparaître dans nos hashtags, voire même s’afficher sur les packagings de nos burgers vegan… mais elle ne doit surtout pas se glisser entre nos dents sous forme d’ailes croustillantes.

Alors on se donne bonne conscience.
On dit : “Je suis pour les alternatives, mais pas celles-là.”
“Je soutiens les solutions, sauf si elles ont six pattes.”
“J’aime la planète, mais avec modération.”

Et pendant ce temps, les insectes, eux, attendent.
En silence.
Sous des lampes chauffantes.
Prêts à nous nourrir, à nous sauver.
Mais on préfère cramer une forêt pour des nuggets.
Parce que les nuggets, eux, ils ont bon goût.
Et pas de carapace.

La planète vous regarde. Elle vous tend un grillon.
Et vous lui crachez dessus.

5. La grande illusion de l’innovation qui sent la friture

Bienvenue dans le futur.
Un futur propre, vert, durable, et… farci de grillons. Mais attention, pas les grillons que vous voyez. Pas ceux qu’on vous sert fièrement dans un bol avec du citron vert lors d’un voyage spirituel au Mexique.
Non non.
Les grillons cachés. Les sournois. Les dissimulés.

Car pendant que vous regardiez ailleurs, pendant que vous likez des posts “Stop aux pesticides” et que vous achetez des yaourts bio au lait d’amande, quelqu’un, quelque part dans un bureau européen, a décidé que votre alimentation devait contenir de la larve.
Et cette personne, appelons-la Ursula par pur hasard, a trouvé le moyen de le faire… sans vous prévenir frontalement.

Voici comment ça marche :
- Vous achetez une barre protéinée “santé et vitalité”.
- Vous croquez dedans.
- Et vous découvrez, en tout petit au dos de l’emballage, qu’elle contient “Acheta domesticus powder (insectes)”.

Traduction ? Farine de grillon.
Mais on n’allait quand même pas écrire “INSECTES ÉCRASÉS” en gros sur la boîte, hein, faut pas traumatiser le chaland.

Et ça, c’est ce qu’on appelle l’innovation alimentaire soft power.
Pas besoin de convaincre les gens. Il suffit de l’intégrer discrètement.
Comme un vaccin dans une compote.
Sauf que là, c’est un ver dans un cake aux fruits.

L’argument ? “Il faut habituer les gens”.
Traduction réelle ?
“Ils sont trop têtus pour changer, alors on va le faire à leur place. Par surprise.”

Et le plus beau ? C’est que ça passe crème.
Parce que personne ne lit les étiquettes.
Parce que tout le monde fait confiance aux mots rassurants comme “protéine alternative”, “naturel”, “source de fer”.
Et parce que, soyons honnêtes, un grillon réduit en poussière, ça ne hurle pas dans ta bouche.

Ce n’est donc pas de l’innovation.
C’est du contournement.
De la rééducation gastronomique involontaire, en mode ninja.
Et franchement ? Ça marche.

Mais il y a un problème :
si on doit vous sauver contre votre gré, est-ce vraiment une victoire ?
Si on vous fait manger durable sans vous le dire, est-ce encore du progrès ou juste une nouvelle forme de camouflage industriel éco-compatible ?

Bref.
Vous pensiez que l’innovation allait venir vous convaincre avec des arguments ?
Erreur.
Elle est venue vous enrober de chocolat et vous glisser un criquet dans la ganache.

Et ça, c’est pas de la science-fiction.
C’est votre goûter.

6. Les insectes ne sont pas une solution. Ce sont des victimes.

On les a présentés comme des héros. Des messies croustillants.
Les sauveurs miniatures d’un monde en surchauffe.
Des guerriers de la transition alimentaire, dressés à coups de propagande nutritionnelle et de promesses environnementales.

Mais en vérité ? Ce sont juste des bestioles qu’on élève, qu’on broie, qu’on transforme… et qu’on jette, sans même un merci.

Parce que même avec tout le storytelling du monde, vous ne les mangez pas.
Ou si peu que l’industrie elle-même commence à se demander si elle n’est pas en train de bâtir une utopie entomophage dans un désert gustatif.
Le pire ? C’est qu’on les élève, ces petites bêtes, dans des fermes high-tech, comme on élève des espoirs qu’on va finir par piétiner.

Imagine :
Tu nais grillon, dans une ferme aseptisée.
Tu vis quelques jours à picorer des farines nobles.
On t’a promis une carrière d’alternative écologique.
On t’a dit que tu serais “l’avenir de l’humanité”.
Et au final, tu finis en farine, non consommée, parce que quelqu’un dans une réunion marketing a paniqué en voyant les résultats des groupes tests :

“Les gens trouvent ça bizarre. Ça croque. Ça fait peur. Faudra revoir la campagne, Géraldine.”

Et toi, pauvre criquet, tu meurs pour rien.
Même pas pour nourrir un vegan curieux.
Juste pour remplir des stocks, des rêves, des PowerPoints.

Ce n’est plus une solution, c’est un sacrifice absurde.
Un gâchis de vie minuscule mais symbolique, parce qu’il résume toute notre époque :
- On dit qu’on veut changer.
- On investit dans le changement.
- Et quand le changement arrive… on lui crache dessus parce qu’il a trop de pattes.

Les insectes sont les nouvelles victimes d’un système qui prétend vouloir évoluer, mais qui ne supporte pas d’être bousculé.
On leur a collé l’étiquette de “futur comestible”, mais on les traite comme des plans B qu’on oublie dans un coin du frigo de l’innovation.

Ils auraient pu être nos alliés.
Mais pour l’instant, ils ne sont que des martyrs de la gastronomie du futur.
Silencieux. Compressés. Jetés.

Et franchement ?
C’est même pas eux les monstres dans cette histoire.

7. Lettre ouverte à une sauterelle morte pour rien

Chère Sauterelle,

Je t’écris ces mots que personne ne t’a jamais adressés, parce que personne n’a jamais pris le temps de considérer que tu méritais autre chose qu’un broyeur et un packaging éco-conçu.

Toi, petite bête sautillante, tu ne voulais rien.
Pas de startup.
Pas de levée de fonds.
Pas de “transition alimentaire”.

Tu voulais juste gambader entre deux feuilles, te dorer l’exosquelette au soleil, pondre quelques œufs et mourir dignement, à l’abri des ambitions humaines.

Mais un jour, quelqu’un t’a repérée.
Il a vu en toi non pas un être vivant, mais un KPI protéiné, un “ratio protéines/CO2 exceptionnel”, une opportunité de faire de la disruption dans le secteur de la bouffe.

Et voilà.
Tu es née dans une boîte en plastique, dans une ferme éclairée 24h/24 par des LED intelligentes.
On t’a nourrie avec amour (et compost).
On t’a pesée, mesurée, analysée.
Tu as été déclarée “riche en fer et en acides aminés essentiels”.

Tu n’as jamais sauté.
Tu n’as jamais volé.
Tu n’as jamais chanté dans une prairie.
Tu as été réduite en poudre, conditionnée sous vide, puis… ignorée.

Ignorée par ceux qui devaient te manger.
Rejetée, moquée, refusée.
Parce que tu faisais “beurk”.

On t’a sacrifiée pour une cause que même ses défenseurs n’assument pas au moment du dîner.
Tu es morte pour rien.
Ni pour sauver la planète.
Ni pour nourrir un enfant.
Ni même pour une expérience gustative un peu punk.

Juste… pour remplir un rayon bio, dans un supermarché où les clients préfèrent toujours les chips au fromage fondu.

Chère Sauterelle,
Pardonne-nous.
Pardonne-nous notre lâcheté culinaire, notre hypocrisie climatique, notre refus pathétique du réel.
Pardonne-nous d’avoir cru pouvoir te transformer en solution miracle, sans même oser te goûter.

Tu aurais pu être un symbole.
Tu n’as été qu’un fantasme.

Et comme tous les fantasmes trop en avance sur leur temps…
tu as fini dans l’oubli, la gueule ouverte, les pattes repliées.

Repose en paix, camarade à six pattes.
Tu étais peut-être notre avenir.
Mais nous, on n’était pas prêts.

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