Toi tu tritures ton thermostat, eux ils font du ski sous projecteurs à minuit. Jusqu’à quand va-t-on accepter ça ?

1. Chauffe Marcel, la planète s’en fout

Tu trembles dans ton salon à 19°, Marcel. Bravo, héros. T’as mis un pull, deux siestes en moins, trois bains en moins, quatre couches en plus. Tu marches pour le climat, tu tries, tu composte, tu bloques ton week-end pour fabriquer des éponges Tawashi avec des vieilles chaussettes. Tu es l’exemplaire modèle du bon petit éco-citoyen.

Et pourtant. Pendant que tu fais ça — pendant que tu éteins tes multiprises avant de dormir — un paquebot de la taille de dix immeubles consomme en une journée plus que toi en dix ans, juste pour éclairer le casino flottant du pont B. On appelle ça le progrès.

On t’a vendu l’idée que chaque petit geste compte. Mensonge. Ce qu’on ne t’a pas dit, c’est que ton petit geste est une goutte dans un océan de kérosène, et que ce même océan transporte en permanence des baskets en plastique rose fluo entre la Chine et la Californie pour qu’un influenceur en slip les unboxe à Ibiza.

Un ingénieur anonyme m’a glissé, la voix tremblante : “Si on arrêtait juste les cargos de croisière pendant une semaine, ça aurait plus d’impact que 20 millions de Français qui passent à la douche froide pendant un an.” Mais chut. Faut pas le dire, sinon ça tuerait l’économie. Et probablement l’ingénieur avec.

Alors chauffe Marcel. Mais pas trop. Reste digne dans ta doudoune chez toi, pendant qu’un stade au Qatar projette de la neige sur les gradins pour que les VIP aient froid en plein désert. Rationne ton café pendant que la Lune devient la nouvelle destination week-end des multimilliardaires. C’est toi le vrai danger pour la planète, Marcel. Toi et ta vieille Clio qui fume un peu.

Tu vois le truc ? C’est pas que tu fais mal. C’est que tu es devenu le coupable idéal. Celui à qui on peut coller des consignes, des taxes, des obligations, pendant que les gros pollueurs se félicitent dans des conférences climatiques sponsorisées par des compagnies pétrolières.

La planète ? Elle ne s’en fout pas. Mais les gens qui la détruisent, eux, s’en tamponnent. Et ils te regardent grelotter avec un sourire satisfait.

Alors Marcel, tu continues à trier pendant que les flammes lèchent l’Amazonie ?

2. Prière de polluer richement

Bienvenue dans l’Église Verte des Privilèges. Où les riches achètent leur indulgence carbone à coup de Tesla, pendant que toi, pécheur en diesel, tu expies à coups de vignette Crit’Air et de soupirs résignés dans les bouchons périphériques.

Parce que oui, polluer est toujours permis… à condition d’en avoir les moyens.

Il y a ceux qui doivent prouver leur pureté écologique. Ceux qui se voient interdire de circuler parce que leur voiture date d’avant Macron. Ceux qui reçoivent des amendes pour avoir fait pipi dans une forêt classée zone Natura 2000. Ceux qui doivent prouver, à chaque feu rouge, qu’ils méritent encore de rouler, pendant qu’un jet privé fait Paris-Nice en 35 minutes pour aller chercher un smoothie bio à la spiruline.

Et puis il y a les autres. Les propres. Les premium. Les électrons libres de la morale écolo. Ceux qui ont un SUV électrique de 2,5 tonnes (made in Chine, livré par cargo bien sûr), et qui te regardent de haut depuis leur station de recharge ultra-subsidée par l’État. Ceux qui traversent l’Atlantique pour une conférence sur “le développement durable dans les pays du Sud” et qui osent te faire la leçon sur ton pot d’échappement.

J’ai interrogé une ex-lobbyiste de l’industrie fossile (en fuite, planquée dans un mas provençal éco-rénové) : “Tu sais ce que c’est, la transition écologique pour les décideurs ? Une opportunité de marché. On crée des normes que seuls les riches peuvent suivre. Et ensuite on vend l’exemple.”

C’est ça, le plan. Créer une planète réservée aux riches propres et expulser les pauvres sales. Pas sales moralement. Sales parce qu’ils bossent, parce qu’ils conduisent, parce qu’ils n’ont pas le temps de fabriquer leur savon ou de manger des graines de chia dans un bol en chanvre compostable. Sales parce qu’ils n’ont pas les moyens de louer une voiture en libre-service à 12€ la demi-heure quand leur vieille 206 fait encore le job.

Mais t’inquiète, il reste des tickets pour l’enfer vert : si tu veux, tu peux encore acheter un vélo cargo à 4.000 balles pour emmener tes gosses sous la pluie à l’école. Avec un peu de chance, t’auras même une prime si tu renonces à vivre.

Pollue richement, frère. C’est autorisé. C’est chic. C’est fiscalement avantageux.

Et si t’as pas les moyens, ben... pédale. En silence.

3. La fourche contre le drone

Ils veulent nous faire croire qu’il n’y a que deux choix : vivre dans une grotte ou consommer vert avec l’appli du moment. Tu sais, celle qui te récompense quand tu marches, qui t’indique combien de grammes de CO2 tu as sauvé en allant acheter des kiwis en slip et en vélo. Génial. T’as gagné un badge. T’as perdu ton temps.

Mais entre l’effondrement total et la start-up nation greenwashed, il y a un espace. Un territoire. Une zone floue où le bon sens refait surface. Et ça commence par un refus. Un grand NON à la mascarade.

Un philosophe rural — que je tairai pour éviter qu’il soit déporté dans un incubateur à éoliennes — me l’a dit ainsi : “Le futur, c’est pas Elon Musk. C’est ta grand-mère qui faisait des conserves. C’est le vieux qui sait réparer une mobylette. C’est le voisin qui échange ses tomates contre du miel.”

C’est pas sexy ? Non. Mais c’est robuste.

Ce que personne ne nous dit, c’est qu’on peut saboter ce système. En douceur. Avec amour. Et une fourche. Planter ses légumes, boycotter les supermarchés, acheter local même si c’est plus moche. Réparer au lieu de jeter. Prêter au lieu de posséder. Partager au lieu de flamber. Et surtout : rire à la gueule de ceux qui veulent nous vendre la révolution verte à 300€/mois avec engagement.

C’est pas revenir en arrière. C’est revenir à soi. À nos limites. À notre puissance collective.

On n’a pas besoin de drones pour surveiller nos champs bio. On a besoin de bras, de terre et de liens humains. Et si t’as pas de jardin ? Deviens pote avec quelqu’un qui en a un. Monte une asso. Squatte un terrain. Propose à ta mairie. Réinvente. Débraye.

L’alternative ne passera pas à la télé. Elle est trop lente, trop humaine, trop imprévisible.

Mais elle est là. Et elle n’attend plus que toi. Avec une fourche. Ou une idée.

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